Alors que la zone euro peine à retrouver son rythme de croisière, le Portugal s’offre une trajectoire de croissance remarquée. Selon les dernières prévisions publiées par le Fonds monétaire international dans son rapport World Economic Outlook, l’économie portugaise devrait croître de 2,1 % en 2026, soit près du double de la moyenne de la zone euro. Un signal encourageant pour un pays longtemps considéré comme un élève fragile du sud européen, aujourd’hui en passe de consolider une position plus robuste au sein de l’Union.
Une résilience saluée dans un contexte mondial incertain
Dans un climat économique mondial toujours tendu, marqué par les déséquilibres post-pandémiques, les tensions géopolitiques, les mutations climatiques et une reprise inégale entre régions, le Portugal affiche une résistance macroéconomique qui surprend. Tandis que l’Europe continentale reste engluée dans une croissance molle, Lisbonne capitalise sur des leviers bien identifiés : le dynamisme du tourisme, des flux d’investissement soutenus, une demande extérieure solide et une inflation mieux maîtrisée qu’ailleurs.
Ce rebond, amorcé dès la fin 2021, semble se prolonger sans heurts majeurs. Il reflète la capacité du pays à maintenir une certaine stabilité, à l’écart des chocs qui affectent ses voisins. Toutefois, cette performance conjoncturelle ne saurait masquer les défis structurels qui restent à relever pour inscrire cette croissance dans la durée.
Le défi structurel de la productivité

Si les fondamentaux paraissent sains, les fragilités demeurent. Le principal écueil reste la faiblesse persistante de la productivité. Malgré les progrès réalisés dans la simplification administrative et la numérisation des services publics, l’économie portugaise reste marquée par une productivité du travail inférieure à la moyenne européenne. La croissance actuelle, pour prometteuse qu’elle soit, ne saurait se suffire à elle-même sans un virage stratégique vers l’innovation et la montée en gamme industrielle.
Pour soutenir ce cycle de croissance, il est impératif de renforcer les investissements dans les secteurs à forte valeur ajoutée : les technologies numériques, les énergies renouvelables, la logistique intelligente, l’industrie de précision et un tourisme durable. Ces filières représentent autant de vecteurs de compétitivité que d’opportunités d’emplois qualifiés.
Réformes de structure : une nécessité partagée
Les acteurs économiques portugais sont unanimes : il faut décloisonner l’économie et créer un cadre plus incitatif pour les entreprises. Cela passe par un effort accru en matière de formation continue, de soutien à la recherche appliquée et de simplification des procédures fiscales et réglementaires. L’État, de son côté, doit continuer à jouer son rôle de facilitateur, notamment en fluidifiant les mécanismes de financement des PME innovantes.
Au-delà du tissu entrepreneurial, c’est toute l’architecture institutionnelle qui doit se montrer à la hauteur des ambitions de croissance. La question n’est plus de savoir si le Portugal peut croître, mais s’il peut transformer cette dynamique conjoncturelle en un cycle vertueux de compétitivité durable.
Vers une stratégie de diversification commerciale
Un autre point de vigilance concerne la forte exposition des exportations portugaises à la zone euro, et en particulier à l’Espagne. Or, cette dernière devrait afficher une croissance modérée dans les années à venir. Pour préserver sa trajectoire, le Portugal devra impérativement diversifier ses débouchés en se tournant vers les économies émergentes, notamment en Asie, en Afrique et au Moyen-Orient. C’est là que la demande croît et que les opportunités commerciales sont les plus porteuses.
À ce titre, le gouvernement portugais multiplie les missions économiques et diplomatiques en dehors du périmètre européen. Il s’agit non seulement d’exporter davantage, mais aussi de renforcer l’attractivité du territoire auprès des investisseurs étrangers dans un monde de plus en plus concurrentiel.
Dette publique : la trajectoire reste sous surveillance
Enfin, l’évolution des finances publiques reste un critère déterminant. La baisse régulière de la dette — saluée par le FMI — ne doit pas faire oublier qu’elle dépend étroitement de la croissance nominale. Toute stagnation, même temporaire, pourrait compromettre l’équilibre des comptes. Il est donc impératif que la croissance reste soutenue et productive, faute de quoi l’amélioration des indicateurs macroéconomiques resterait fragile.
La consolidation budgétaire doit donc s’accompagner d’une politique de soutien à l’investissement productif. Le risque serait sinon de privilégier la rigueur à court terme au détriment de la compétitivité de long terme.
Un palier atteint, mais pas une fin en soi
Entrer dans le top 10 des économies européennes les plus dynamiques constitue indéniablement une reconnaissance des efforts accomplis. Mais il ne s’agit pas d’un point d’arrivée. Ce classement illustre une conjoncture favorable ; il doit désormais servir de tremplin pour renforcer les fondations du développement portugais.
La croissance de demain ne sera vertueuse que si elle se traduit par des salaires plus élevés, un tissu productif modernisé et une amélioration tangible de la qualité de vie. Dans un monde toujours plus fragmenté, l’enjeu pour le Portugal est moins de suivre le rythme que de tracer sa propre trajectoire.







