Camouflage à Lisbonne, l’art de l’invisible de Warhol à Albergaria

camouflage warhol

Date de l'évènement : Du 28 mai au 5 juillet

Dans l’écrin insolite de l’hôpital Júlio de Matos, à Lisbonne, l’exposition « Camouflage » invite le visiteur à explorer les multiples facettes de l’invisible. En croisant art, histoire et biologie, ce projet immersif et collectif dévoile un dialogue inattendu entre la nature et la culture, le visible et le caché. Sous la houlette de Katherine Sirois et Lourenço Egreja, la P28 – Association pour le Développement Créatif et Artistique orchestre un voyage captivant à travers des œuvres qui défient la perception. Cette aventure artistique, qui réunit des créateurs du Portugal et d’ailleurs, est un hommage aux stratagèmes d’adaptation, de dissimulation et de révélation qui traversent l’histoire de l’art et les comportements sociaux.

Inaugurée le 27 mai dans la galerie du Pavillon 31 de l’hôpital psychiatrique, « Camouflage » s’inscrit dans un contexte singulier : celui d’un lieu où le visible et l’invisible s’entremêlent depuis des décennies, à travers les regards, les silences et les souffrances des patients. C’est aussi là que le public est invité à repenser sa propre capacité à voir ou à ne pas voir, à discerner ce qui se cache derrière l’évidence. L’exposition, accessible jusqu’au 5 juillet, propose une réflexion profonde sur les manières de « disparaître » dans un monde saturé d’images.

Les artistes et les œuvres : un kaléidoscope d’expériences visuelles

afiche camouflage

Le parcours de « Camouflage » se déploie comme une mosaïque d’expressions contemporaines, mêlant installations, peintures, sculptures et dispositifs immersifs. Parmi les figures majeures, on retrouve Gabriela Albergaria 1, dont les compositions végétales interrogent les notions d’adaptation écologique et de résistance silencieuse. À ses côtés, José Almeida Pereira 2 explore le potentiel poétique de la matière brute, tandis que Pedro Valdez Cardoso 3 et Manuel Botelho 4 détournent des objets du quotidien pour interroger la frontière entre camouflage et dévoilement.

L’exposition ne se limite pas aux artistes contemporains : elle puise également dans l’héritage de pionniers comme Abbott Thayer et Roland Penrose, qui ont théorisé et expérimenté la dissimulation dans le domaine militaire au début du XXe siècle. Ces incursions historiques trouvent un écho dans la présence d’icônes de l’art moderne et contemporain telles que Andy Warhol, maître de la répétition et de la sérigraphie, ou encore Christo, dont les œuvres monumentales jouent sur l’invisibilité temporaire des paysages. Cette diversité témoigne de la richesse des approches, entre science, art et politique.

Abbott Thayer camouflage
Abbott Thayer père du camouflage

En filigrane, l’exposition interroge le rôle de l’artiste comme « stratège visuel », capable de se fondre dans l’environnement pour mieux interroger la réalité. Selon Katherine Sirois, « le camouflage modifie les codes de la représentation visuelle, passant de ‘regardez ce qui est là’ à ‘circulez, il n’y a rien à voir’. » Cette dialectique du voir et du ne pas voir irrigue l’ensemble du projet, invitant à une réflexion collective sur l’acte de percevoir.

Dans cet univers visuel mouvant, les œuvres deviennent des pièges perceptifs, des jeux de dissimulation où le spectateur est à la fois complice et victime. Le parcours, conçu comme un espace d’interrogation, se déploie dans un lieu chargé d’histoire : la Galeria do Pavilhão 31 5, où l’art dialogue avec les mémoires enfouies du soin psychiatrique.

Quand l’art interroge la société : entre nature, guerre et culture visuelle

Le thème du camouflage traverse bien au-delà de l’esthétique : il renvoie à des enjeux profonds d’adaptation, de survie et de pouvoir. Dans la nature, la capacité à se rendre invisible est un mécanisme de protection et de prédation. Chez l’homme, elle devient un outil stratégique, notamment dans les contextes militaires, comme le rappellera Patrice Alexandre lors de sa conférence le 29 mai à la Faculté des Beaux-Arts de Lisbonne. Intitulée « L’expérience des artistes de camouflage pendant la Première Guerre mondiale », cette intervention mettra en lumière le rôle crucial des créateurs dans le développement de techniques de dissimulation sur le champ de bataille.

Ateliers et rencontres : apprendre en faisant

En parallèle de l’exposition, des événements participatifs enrichissent le projet. Les 31 mai et 14 juin, le public pourra s’initier à la sérigraphie aux côtés de Lucas Almeida 6, dans l’atelier de la P28. Ces sessions, gratuites sur inscription, permettront aux participants de créer un livre collectif, en expérimentant le dessin et l’impression. C’est une opportunité rare de plonger dans les coulisses de la création, de manipuler les outils et de comprendre le processus derrière l’œuvre. Chaque participant repartira avec un objet tangible, à la fois personnel et collectif : un livre imprimé, mémoire d’une expérience partagée.

Cette démarche interactive illustre l’esprit de P28 7, structure financée par la République portugaise, qui œuvre à démocratiser l’accès à l’art contemporain. En mêlant exposition et atelier, « Camouflage » devient un espace d’apprentissage, de dialogue et de création collective.

Clôture et prolongements : au-delà du visible

Le 5 juillet, la fin de l’exposition sera marquée par une performance surprise, organisée par la galerie Ana Lama 8, lors d’un événement festif au Pavillon 31. Ce moment de partage viendra clore un cycle, mais « Camouflage » ne s’arrête pas là. Du 15 novembre 2025 à janvier 2026, l’exposition se déploiera dans un nouvel espace : la Casa D’Avenida 9, à Setúbal. Cette seconde étape élargira le propos avec de nouvelles œuvres et de nouveaux artistes, enrichissant le dialogue amorcé à Lisbonne.

En choisissant d’investir des lieux chargés d’histoire et de mémoire collective, « Camouflage » interroge la visibilité des marges et des invisibles dans notre société. Ce projet ambitieux, à la croisée des disciplines, rappelle que l’art n’est pas qu’une affaire de regard : c’est un acte de pensée, de questionnement et d’engagement.

Informations pratiques et programme

  • Exposition : 28 mai – 5 juillet 2025
  • Lieu : Galerie du Pavillon 31, Hôpital Júlio de Matos, Avenida do Brasil 53, Lisbonne (entrée par Rua das Murtas)
  • Horaires : Mercredi à samedi, 14h – 19h (fermé les jours fériés)
  • Inauguration : 27 mai à 18h
  • Finissage : 5 juillet, 18h-21h, avec performance et apéritif (inscription obligatoire : info@p28.pt)
  • Conférence : « L’expérience des artistes de camouflage pendant la Première Guerre mondiale », Patrice Alexandre, 29 mai à 16h, Faculté des Beaux-Arts de l’Université de Lisbonne
  • Ateliers de sérigraphie : 31 mai (14h30-16h30) et 14 juin (14h30-18h30), P28 – Pavillon 31 (gratuit, sur inscription)

L’entrée à l’exposition est libre, dans la limite des places disponibles. Une réservation est recommandée pour les événements parallèles.
Pour plus d’informations : https://p28.pt/event/camouflage/

« Camouflage » est une invitation à questionner nos perceptions, à explorer les frontières mouvantes entre l’art et la société, et à découvrir comment, parfois, ce que l’on ne voit pas est tout aussi essentiel que ce qui est sous nos yeux.


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