3 années de croissance avec baisse des émissions polluantes

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Le Portugal vient de franchir une étape inédite dans son histoire économique et environnementale. Pour la première fois depuis le début de la série statistique en 1995, le pays a enregistré 3 années consécutives de croissance économique accompagnées d’une réduction des émissions de gaz à effet de serre. L’annonce, faite cette semaine par l’Institut national de la statistique (INE) 1, consacre un changement structurel majeur : une dissociation durable entre expansion du produit intérieur brut (PIB) et intensité carbone.

En 2023, l’économie portugaise a progressé de 3,1 % en valeur ajoutée brute (VAB), tandis que le potentiel de réchauffement climatique (PRC) (exprimé en équivalent CO₂) a chuté de 8,9 %, atteignant son niveau le plus bas en près de 30 ans. Cette double trajectoire descendante des émissions et ascendante de la croissance est présentée par l’INE comme un signal fort d’évolution systémique, largement porté par les performances du secteur énergétique.

Un découplage structurel entre croissance et émissions

La notion de « découplage » (ou decoupling), bien connue des économistes environnementaux, désigne la capacité d’une économie à croître tout en réduisant son empreinte écologique. Dans le cas portugais, ce découplage s’est affirmé entre 2021 et 2023, avec des résultats inédits sur les plans de la productivité carbone et de l’efficacité énergétique.

En 2023, l’intensité carbone de l’économie, c’est-à-dire la quantité d’émissions par unité de PIB, a diminué de 11,7 %. Un record national depuis que cet indicateur est mesuré. Cette évolution traduit une transformation profonde de la matrice productive du pays et témoigne de la consolidation d’une trajectoire moins carbonée, notamment dans la production électrique et la consommation énergétique globale.

Le rôle clé du secteur énergétique

L’analyse de l’INE met en lumière un facteur décisif : la part des énergies renouvelables dans la production d’électricité a dépassé les 60 % en 2023. Cette percée est en partie liée à des conditions hydrologiques particulièrement favorables, mais aussi à des choix politiques structurants réalisés au cours des années précédentes.

La fermeture définitive des deux dernières centrales à charbon du pays (Sines (Alentejo) et Pego (Ribatejo)) consolidée en 2022, a exercé un effet de levier significatif. En parallèle, la production des centrales thermiques à gaz naturel a reculé de plus de 40 %. Cette réorientation vers des sources renouvelables (hydraulique, éolien, solaire) a non seulement réduit les émissions, mais permis au Portugal d’améliorer son indépendance énergétique dans un contexte de forte volatilité des prix des énergies fossiles.

Une performance sous surveillance

Si ces chiffres suscitent un optimisme prudent, plusieurs éléments appellent à la vigilance. D’une part, les conditions météorologiques exceptionnelles de 2023, en particulier les précipitations favorables à l’hydroélectricité, ne peuvent être considérées comme structurelles. D’autre part, la stabilité du découplage dépendra à long terme de la capacité de l’économie à généraliser des gains d’efficacité dans d’autres secteurs : transports, industrie lourde, bâtiment.

Une croissance plus rapide ou plus intensive en capital pourrait inverser la tendance

Par ailleurs, la réduction des émissions reste partiellement dépendante d’une baisse de l’activité dans certains segments industriels exposés. Autrement dit, une croissance plus rapide ou plus intensive en capital pourrait inverser la tendance si elle s’appuie sur des technologies à forte empreinte carbone. La transition énergétique portugaise, bien que dynamique, reste donc fragile.

Un précédent encourageant pour l’Europe

Le cas portugais s’inscrit dans un contexte européen où plusieurs pays cherchent à atteindre la neutralité carbone tout en soutenant leur compétitivité. Le découplage observé au Portugal pourrait servir de référence pour d’autres États membres de l’Union européenne, notamment dans le sud du continent, où les contraintes budgétaires, démographiques et énergétiques sont particulièrement fortes.

L’atteinte simultanée d’objectifs économiques et climatiques, encore rare à l’échelle mondiale, suggère qu’une trajectoire soutenable est possible, à condition qu’elle repose sur un bouquet cohérent de politiques publiques : investissement dans les infrastructures vertes, soutien à l’innovation, fiscalité écologique, sobriété énergétique et accompagnement social de la transition.

Une crédibilité renforcée à l’international

Enfin, cette dynamique renforce la crédibilité du Portugal dans les négociations climatiques internationales, à la veille de la COP30. Elle conforte également les engagements pris dans le cadre du Plan national énergie-climat 2030 (PNEC) 2, qui vise une réduction de 55 % des émissions d’ici la fin de la décennie, en cohérence avec les objectifs du Pacte vert pour l’Europe.

Le défi reste cependant entier : maintenir ce découplage en période de reprise post-pandémie et d’instabilité géopolitique tout en garantissant l’inclusivité sociale de la transition. La réussite du modèle portugais dépendra donc de sa capacité à conjuguer efficacité, résilience et justice climatique.

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