Plus de 10 ans après les mesures d’austérité imposées par la troïka 1 (FMI, Banque centrale européenne et Commission européenne), le gouvernement portugais réfléchit à rétablir les 3 jours de congé supprimés en 2012. L’idée, soutenue par plusieurs syndicats de la fonction publique, s’inscrit dans un contexte de négociations salariales et sociales pour le budget 2026.
Un signal d’ouverture du gouvernement
La présidente du Sindicato dos Quadros Técnicos do Estado (STE), Helena Rodrigues, a confirmé à l’issue d’une réunion avec la secrétaire d’État à l’Administration publique, Marisa Garrido, que le gouvernement s’est dit prêt à évaluer le retour progressif de ces jours de congé supprimés. L’entretien s’est tenu au ministère des Finances à Lisbonne, dans le cadre des discussions préparatoires pour les négociations de 2026.
« Nous avons proposé un retour graduel : un jour par an, jusqu’à la restitution complète des trois jours perdus », a expliqué la responsable syndicale. Si le gouvernement n’a pas encore arrêté de position définitive, cette ouverture marque un changement de ton par rapport à la ligne budgétaire stricte des années précédentes.
Contexte : des concessions autour du pouvoir d’achat
La rencontre avec la Frente Sindical ne s’est pas limitée à la question des congés. Les discussions ont également porté sur les salaires et les indemnités. Le syndicat a accepté d’assouplir sa revendication initiale d’un repas subventionné à 12 € par jour, proposant désormais une mise à jour progressive pour atteindre 10 € quotidiens. En contrepartie, il attend des gestes du gouvernement sur les congés et les hausses salariales.
Actuellement, la hausse prévue pour 2026 dans la fonction publique est de 2,15 % (minimum 56,58 €). Mais les syndicats, estimant cette augmentation insuffisante face à l’inflation, plaident pour une revalorisation de 6,4 %. Helena Rodrigues a indiqué que l’exécutif « n’a pas fermé la porte à un ajustement, sans pour autant s’engager ».
Vers une restitution symbolique des « vacances volées »
La perspective du retour des jours de congé supprimés a une forte valeur symbolique. Ces trois jours avaient été retirés en 2012, lors de la mise en œuvre du programme d’austérité exigé par la troïka. Pour les syndicats, leur rétablissement représenterait une reconnaissance tardive des sacrifices consentis par les fonctionnaires portugais durant la crise de la dette.
Selon Executive Digest, les négociations en cours visent à « rendre progressivement aux travailleurs les droits sociaux suspendus ou amputés pendant la période d’austérité ». L’objectif, selon le Frente Sindical, est de garantir « des améliorations réelles » dans les conditions de travail et non de simples compensations symboliques.
Un climat social sous surveillance
Outre les congés et la revalorisation des indemnités, les syndicats ont soulevé plusieurs points techniques, notamment la lenteur du système d’évaluation du personnel (SIADAP) et la charge croissante des cotisations à l’ADSE (mutuelle des fonctionnaires), actuellement fixée à 3,5 %. Le STE propose de ramener ce taux à 2,5 % d’ici un an, jugeant le niveau actuel « excessif au regard du revenu net des agents publics ».
Ces discussions interviennent dans un climat social tendu, marqué par la montée des revendications salariales dans plusieurs secteurs publics. La prochaine réunion entre le gouvernement et la Frente Sindical est prévue pour le 29 octobre. D’ici là, les syndicats espèrent obtenir des réponses plus concrètes et un calendrier de mise en œuvre.
Un test politique pour l’exécutif
Pour le gouvernement, qui cherche à concilier rigueur budgétaire et apaisement social, la restitution des congés supprimés pourrait servir de geste symbolique à faible coût financier. Si la mesure venait à être confirmée, elle marquerait la fin d’un chapitre emblématique de l’austérité au Portugal et le début d’une nouvelle phase de dialogue social, à la veille des négociations budgétaires de 2026.
La question est désormais politique : jusqu’où le gouvernement est-il prêt à aller pour restaurer le pouvoir d’achat des fonctionnaires sans compromettre ses objectifs de discipline budgétaire ?
- le terme « troïka » désigne, au Portugal, les trois institutions internationales : le FMI, la BCE et la Commission européenne, qui ont encadré le pays à partir de 2011 dans le cadre du programme d’assistance financière. Cette période, marquée par des réformes structurelles et des coupes budgétaires sévères, est restée symboliquement associée à la perte de souveraineté économique et à la mise sous tutelle de l’État portugais. ↩︎







