Naissance de cigognes blanches sédentarisées, au nord du Portugal

bebes cigognes nord du portugal

Accrochés à la cime des arbres du Parc Biológico de Gaia, d’imposants nids trahissent une activité fébrile, mais silencieuse. Entre les branchages entrelacés, deux têtes blanches, minuscules et duveteuses, émergent à peine. Ce sont les premières cigogneaux de l’année, nés il y a quelques jours à peine, dans ce parc installé au bord du paisible rio Febros, non loin de Porto. Leurs parents, attentifs et vigilants, se relaient sans relâche : l’un veille, l’autre fend les airs à la recherche de nourriture, survolant les plaines humides et les bosquets du nord du Portugal.

L’installation des cigognes blanches dans le nord !

Ici, dans cette enclave préservée, les cigognes blanches ne sont plus de simples visiteurs de passage. Depuis 2016, un couple fidèle a fait de ce refuge son territoire de nidification, brisant les codes migratoires traditionnels. Là où, jadis, ces oiseaux ne faisaient qu’escale, ils s’installent désormais à l’année, portés par des hivers plus cléments et une abondance de proies. En mai 2024, une nouvelle génération vient confirmer cette tendance de fond : les cigognes blanches colonisent désormais durablement le nord du pays.

bebe cigogne

Espèce emblématique et jadis vulnérable, la cigogne blanche incarne aujourd’hui une forme de résilience. Dans le calme relatif du parc, elle trouve à la fois un abri sûr et une table bien garnie. Petits rongeurs, amphibiens, crustacés comme le lagostim rouge – espèce invasive qu’elle contribue à contenir – composent un menu varié et nutritif. Les jeunes cigognes, à peine sorties de l’œuf après plus d’un mois d’incubation partagée, y trouveront les ressources nécessaires pour affronter leur premier envol.

Si la scène est banale pour les habitués du sud portugais, elle revêt ici une signification particulière. Car à Vila Nova de Gaia, comme dans le reste du nord, la cigogne blanche était encore rare il y a dix ans. Le retour de cette espèce dans les paysages du Douro n’est pas seulement un fait ornithologique : il témoigne des mutations profondes de notre environnement et d’une nouvelle cohabitation entre nature et société humaine. Une naissance modeste, perchée au sommet d’un arbre, mais porteuse d’un grand récit.

Une espèce entre migrations et nouvelles habitudes

cigognes gaia

Traditionnellement migratrice, la cigogne blanche (Ciconia ciconia) parcourait chaque année plusieurs milliers de kilomètres pour passer l’hiver en Afrique subsaharienne. Mais au fil des dernières décennies, les changements climatiques, l’urbanisation et l’évolution des pratiques agricoles ont modifié ses comportements. Le Portugal, et en particulier sa moitié nord, connaît désormais une sédentarisation croissante de cette espèce autrefois strictement migrante.

Les données accumulées par les biologistes du Parque Biológico de Gaia confirment cette tendance : depuis 2016, un couple de cigognes a élu domicile dans le parc et n’a plus jamais migré vers le sud. Fidèles à leur nid, elles y restent désormais toute l’année, marquant la fin de leur cycle migratoire. À l’origine de cette présence durable, une cigogne femelle blessée, incapable de migrer, qui a trouvé refuge dans le parc. Peu à peu, elle a été rejointe par un mâle sauvage. Le couple, fidèle, a adopté un nid, qu’il a remodelé à son goût. Aujourd’hui, ce même couple donne naissance à des cigogneaux chaque année.

Un nid, une saison, plusieurs naissances

bebes cignone au nord du portugal

Le nid, construit par les deux adultes, a la forme d’une large coupe, solide et stable, perchée sur un support élevé. Il est tapissé de feuilles, d’herbes, et renforcé année après année. La ponte comporte généralement quatre œufs, incubés à tour de rôle pendant environ 33 jours. Lorsque les premières têtes apparaissent, les allers-retours pour nourrir les petits deviennent incessants.

Dans le parc, au début du mois d’avril, ce ballet a repris. Deux petites cigognes, au duvet blanc et encore fragiles, ont été observées au-dessus du rebord du nid. Leur croissance est rapide, rythmée par les régurgitations régulières de leurs parents. Bientôt, elles prendront leur premier envol. Le parc veille discrètement sur leur développement, sans perturbations, dans un espace protégé et riche en nourriture – grenouilles, petits rongeurs, insectes et même le redoutable lagostim rouge de Louisiane, crustacé invasif dont elles sont friandes.

Une présence rare au nord, devenue symbole local

La région de Vila Nova de Gaia n’était pas, jusqu’à récemment, un lieu de prédilection pour ces grands échassiers. Leur présence dans le nord reste encore modeste comparée à l’Alentejo ou au Ribatejo. Mais cette colonisation progressive témoigne d’une adaptation remarquable. Moins migratrices, les cigognes trouvent dans les vallées tranquilles du Douro et les zones humides protégées des conditions de vie favorables. Le Parque Biológico, par son cadre apaisé et sa gestion respectueuse de la biodiversité, est devenu un observatoire privilégié de cette dynamique.

Chaque printemps, la naissance de nouvelles cigognes est saluée avec enthousiasme. Pour les naturalistes locaux comme pour les visiteurs curieux, c’est un spectacle émouvant : celui de la vie qui reprend son cycle, en équilibre entre tradition migratoire et enracinement nouveau. À Gaia, les cigognes ne font plus que passer. Elles s’installent. Elles élèvent leurs petits. Et elles réinventent leur rapport au territoire portugais.


Article écrit par
Retour en haut