Madère, une destination agricole entre terre mer et traditions

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Souvent célébrée pour ses paysages spectaculaires, son climat éternellement doux et ses fleurs exubérantes, l’île de Madère cache aussi une autre facette, moins touristique mais tout aussi fascinante : celle d’un territoire agricole en pleine transformation. Entre les terrasses de pommes de terre accrochées aux montagnes, les plantations de canne à sucre qui racontent des siècles d’histoire, et les criées où le sabre noir règne en maître, l’agriculture et la pêche façonnent depuis toujours le quotidien madérien.

À l’heure où le monde s’interroge sur la souveraineté alimentaire et la durabilité des modèles de production, Madère, bien que modeste par sa taille, offre un observatoire précieux de ces enjeux. Chiffres récents, tendances de fond, défis climatiques ou économiques : l’île compose une partition singulière entre tradition rurale et adaptation moderne. Et pour le visiteur attentif, elle propose une immersion rare au cœur d’un monde agricole encore vivant et accessible.

Voici un tour d’horizon approfondi de Madère en tant que destination agricole : des cultures emblématiques aux mutations de l’élevage, sans oublier les bouleversements de la pêche. Une invitation à regarder l’île autrement, à la croisée du terroir et de l’économie insulaire.

Un territoire façonné par la culture vivrière

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Madère est une île montagneuse où chaque parcelle de terre a été patiemment conquise sur la pente. Historiquement, les cultures vivrières y ont tenu une place centrale, en réponse à l’isolement insulaire et à la nécessité d’autosuffisance. Aujourd’hui encore, cette logique se retrouve dans la prévalence de la pomme de terre, qui constitue la première culture temporaire de l’île, avec plus de 17.000 tonnes récoltées en 2024.

Ces chiffres ne relèvent pas du hasard. Ils traduisent l’attachement à des produits rustiques, adaptés aux microclimats de l’île et à ses sols volcaniques. Mais ils démontrent aussi l’efficacité d’une agriculture à taille humaine, largement familiale, où la transmission des savoirs reste vivace.

La diversification des cultures reste cependant un défi. Alors que certaines parcelles se reconvertissent dans l’horticulture ou les fleurs (symboles de Madère), d’autres disparaissent, réintégrant une nature en friche. Ce mouvement paradoxal est illustré par la baisse du nombre d’exploitations entre 2019 et 2023 (-9,8 %), même si la superficie agricole utile (SAU) a augmenté (+2,1 %).

Ce contraste entre recul structurel et résilience productive décrit bien la réalité agricole actuelle de l’archipel, où chaque hectare compte et où l’agriculture demeure un pilier silencieux de la vie quotidienne.

Canne à sucre, patate douce et banane : symboles d’un terroir en mutation

La canne à sucre, entre histoire coloniale et survie locale

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Avec près de 9000 tonnes produites en 2024, la canne à sucre reste la deuxième culture temporaire de Madère. Son importance n’est pas seulement économique : elle est patrimoniale. La canne a structuré l’île dès les premiers siècles de colonisation portugaise. Aujourd’hui, elle continue d’alimenter les distilleries locales, notamment pour la production du fameux rhum agricole madérien, ou « aguardente de cana« .

Sa culture est exigeante, souvent réservée aux zones basses et humides, et sa rentabilité reste fragile. Pourtant, la canne à sucre demeure un symbole fort de l’agriculture traditionnelle, soutenue par un savoir-faire artisanal et un circuit court, de la parcelle au verre.

La banane et le raisin en recul, entre climat et concurrence

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Les cultures permanentes connaissent une conjoncture moins favorable. En 2024, la production de bananes, bien que dominante, a chuté de 3 %, totalisant 25.688 tonnes. Le raisin a subi une baisse encore plus brutale de 20,5 %, plafonnant à 3232 tonnes. Ces chiffres alertent sur la vulnérabilité climatique de certaines cultures phares et sur la pression exercée par les importations.

Pour autant, la banane madérienne conserve une image forte, ancrée dans la consommation locale. De même, les vignobles en terrasse continuent d’alimenter les caves à vin de Madère, réputé pour son vin liquoreux exporté dans le monde entier.

Des pentes agricoles aux criées maritimes : le poids de la pêche

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Le monde agricole à Madère ne saurait se comprendre sans évoquer la mer. L’archipel a développé une tradition halieutique forte, portée par une flotte artisanale et des pratiques ciblées. En 2024, les volumes pêchés ont chuté (3,5 milliers de tonnes), mais certaines espèces comme le sabre noir ont vu leurs débarquements progresser de 8,5 %.

Le sabre noir (espada preta), poisson emblématique des profondeurs madériennes, a généré à lui seul 11,4 millions d’euros, soit plus des deux tiers des recettes totales de la pêche. Ce succès commercial témoigne d’une gestion durable et d’une valorisation efficace sur les marchés locaux et touristiques.

En revanche, les prises de thon, de chinchard (carapau) et de maquereau ont fortement diminué, traduisant l’instabilité des stocks et les limites de l’effort de pêche. Les défis environnementaux ne cessent d’émerger dans un secteur qui doit composer avec les règles européennes, la compétition océanique et les incertitudes climatiques.

Un modèle agricole entre efficacité économique et sobriété productive

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Malgré un recul du cheptel, la production animale conserve une place notable à Madère. En 2024, la viande issue des abattages a baissé de 8,1 %, principalement en raison de la diminution du nombre de porcs et de bovins. Toutefois, la volaille affiche une légère progression (+1,1 %), et la production d’œufs reste élevée avec plus de 32 millions d’unités.

Cet équilibre témoigne d’un modèle économique pragmatique, adapté aux contraintes insulaires. La hausse de 6,8 % de la valeur de la production agricole en 2023 (149,8 M€), conjuguée à une baisse de 8,2 % des coûts de production (notamment les engrais -30,7 %), reflète une forme de résilience technique et financière.

Ce modèle sobre et maîtrisé, bien qu’imparfait, mérite d’être mieux connu et reconnu. Il offre des pistes de réflexion sur l’agriculture de demain, entre relocalisation, qualité des produits, et circuits courts valorisant les ressources locales.

Vers un tourisme agricole et alimentaire plus visible

Madère commence à capitaliser sur cette identité agricole à travers des initiatives d’agritourisme, de circuits de dégustation et de festivals locaux. Le visiteur peut aujourd’hui découvrir des fermes familiales, assister à des vendanges, ou visiter des distilleries de canne à sucre encore en activité.

Cette approche renforce l’ancrage local du tourisme, tout en offrant une expérience plus authentique et durable. L’agriculture devient alors un vecteur de rencontre et de transmission, bien au-delà de son rôle économique ou alimentaire. Madère, déjà perçue comme un écrin naturel, affirme aussi sa vocation nourricière et sa fierté paysanne. Pour les voyageurs curieux, c’est une opportunité rare : celle d’explorer un territoire par le goût, le geste, la terre, et la mer.

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