Le séisme de 1755 à Lisbonne et le spectre du Big One

tremblement de terre 1755 lisbonne

En février 2025, un séisme a légèrement secoué Lisbonne, ravivant des angoisses profondément ancrées dans la culture nationale. Cette secousse, bien que modérée, a réveillé un souvenir collectif redouté : celui du tremblement de terre de 1755. Un événement si marquant qu’il a façonné non seulement l’urbanisme de Lisbonne, mais aussi la pensée philosophique et scientifique de l’époque. Au Portugal, une expression revient souvent lorsqu’un tremblement de terre survient : Arroz outra vez1 – comme une fatalité, un rappel que l’histoire pourrait bien se répéter. Mais faut-il vraiment redouter un « Big One » qui détruirait de nouveau la capitale portugaise ?

Le séisme de 1755 : une catastrophe aux proportions inédites

maquette de Lisbonne avant le tremblement de terre de 1755
Maquette de Lisbonne avant le tremblement de terre de 1755 – Museu de Lisboa 2

Le 1er novembre 1755, jour de la Toussaint, Lisbonne est frappée à 9h50 par un séisme de magnitude estimée entre 8,5 et 9,0. L’épicentre se situerait à 200 km au sud-ouest du Portugal, sur la limite des plaques tectoniques Açores-Gibraltar. Ce tremblement de terre déclenche une série de phénomènes destructeurs :

  • Une première secousse dure entre 6 et 7 minutes, provoquant l’effondrement immédiat de milliers de bâtiments.
  • Un tsunami frappe Lisbonne environ 20 minutes plus tard, balayant les quais et les zones basses de la ville.
  • Les incendies se déclarent un peu partout, notamment à cause des cierges allumés pour la messe de la Toussaint. Aidés par un vent violent, ils ravagent la ville pendant près d’une semaine.

Le bilan humain est dramatique : on parle de 50 à 70 000 morts sur les 250 000 habitants de la ville, mais le bilan est plus large puisque les experts parlent de 60 000 à 100 000 morts au Portugal, en Espagne et en Afrique du Nord 3. À Lisbonne, sur les 20 000 bâtiments de la ville, moins de 3 000 restent habitables après la catastrophe.

Un séisme d’une magnitude estimée entre 8,5 et 9,0, comme celui de Lisbonne en 1755, appartient à la catégorie des méga-séismes. Ces événements, extrêmement rares, libèrent une énergie colossale capable de causer des destructions massives à des centaines, voire des milliers de kilomètres de l’épicentre.

Équivalence énergétique : Un tel séisme dégage une puissance équivalente à plusieurs millions de tonnes de TNT, soit des milliers de bombes atomiques comme celle d’Hiroshima.

  • Séisme du Chili (1960, magnitude 9,5) : Le plus puissant jamais enregistré, il a généré un tsunami qui a traversé le Pacifique.
  • Séisme de Sumatra (2004, magnitude 9,1-9,3) : Responsable du tsunami meurtrier qui a frappé l’Asie du Sud-Est.
  • Séisme du Japon (2011, magnitude 9,1) : A provoqué le tsunami et la catastrophe nucléaire de Fukushima.

Le tremblement de terre de Lisbonne en 1755 fut donc comparable aux plus grands séismes de l’histoire moderne, expliquant pourquoi son impact reste gravé dans la mémoire collective et scientifique.

Un traumatisme qui a changé le Portugal

tremblement de terre lisbonne

Ce séisme n’a pas seulement détruit Lisbonne, il a profondément marqué l’histoire du pays et même de l’Europe :

  • Une ville reconstruite pour résister aux séismes : Le marquis de Pombal 4, alors premier ministre du roi, impose une reconstruction rapide et organisée. La Baixa Pombalina, avec ses rues larges et ses bâtiments à structures anti-sismiques (gaiolas pombalinas 5), est le premier exemple connu d’urbanisme parasismique.
  • Un choc philosophique : L’événement de par son intensité destructrice influence des penseurs comme Voltaire, qui le mentionne dans Candide pour illustrer l’absurdité du mal et du destin 6.
  • Une avancée scientifique : Ce séisme marque aussi le début des études sismologiques modernes. Le marquis de Pombal envoie des questionnaires aux paroisses pour analyser l’étendue des dégâts et poser les bases de la sismologie.

La menace d’un nouveau séisme : réaliste ou exagérée ?

Les scientifiques s’accordent à dire que la faille Açores-Gibraltar, à l’origine du séisme de 1755, reste active. Les études récentes estiment qu’un séisme similaire pourrait se produire à une fréquence de 250 à 1 000 ans. Si le dernier grand tremblement de terre date de 1755, cela signifie-t-il que le Portugal doit se préparer à un nouveau désastre ?

Les scientifiques s’accordent à dire que la faille Açores-Gibraltar, à l’origine du séisme de 1755, reste active

Les simulations actuelles montrent que Lisbonne ne subirait plus les mêmes destructions qu’en 1755 grâce aux normes modernes de construction. Toutefois, certaines zones comme l’Algarve ou la Baixa de Lisbonne (bâtie sur des sols instables) restent particulièrement vulnérables.

Comment le Portugal se prépare-t-il au prochain séisme ?

Bien que personne ne puisse prédire la date d’un futur grand séisme, le Portugal a pris des mesures :

  • Mise en place de normes parasismiques strictes pour les nouvelles constructions.
  • Plans d’évacuation et exercices de simulation pour préparer la population.
  • Surveillance continue des mouvements sismiques grâce aux stations de l’Institut portugais de la mer et de l’atmosphère (IPMA) 7.

Lisbonne : une ville qui apprend à vivre avec le risque

Si l’histoire a prouvé que Lisbonne est vulnérable aux séismes, elle a aussi démontré sa capacité à se réinventer. Aujourd’hui, la capitale portugaise est une métropole moderne, consciente des défis qu’elle doit affronter. Le tremblement de terre de 1755 reste un mémento tragique, mais aussi une leçon précieuse : un désastre peut être anticipé et atténué.

Alors, faut-il craindre un Big One à Lisbonne ? La menace, comme la peur existent, mais plutôt que d’y céder, le Portugal choisit de se préparer, d’innover et d’apprendre du passé. Une manière de transformer un traumatisme collectif en une force résiliente pour l’avenir.

  1. Arroz outra vez : c’est une expression utilisée au Portugal lorsque une situation se répète régulièrement. ↩︎
  2. Museu de Lisboa : https://museudelisboa.pt/pt/collection/assets/4837-lisboa-antes-terramoto-1755/ ↩︎
  3. Le séisme de 1755 ne s’est pas limité au Portugal : il a provoqué d’importants dégâts en Espagne (notamment à Séville et Grenade) et au Maroc, où des villes comme Fès et Meknès ont été sévèrement touchées, causant des milliers de morts. Le tsunami qui a suivi a même traversé l’Atlantique, atteignant les Caraïbes, où des vagues anormalement hautes ont été observées, perturbant les ports et les côtes. ↩︎
  4. Sebastião José de Carvalho e Melo, comte d’Oeiras et marquis de Pombal : 13 mai 1699 – 8 mai 1782 ↩︎
  5. Gaiolas pombalinas : La cage pombaline est une technique de construction utilisant de la maçonnerie renforcée par une cage interne en bois. Voir en image ↩︎
  6. Dans « Candide« , Voltaire fait référence au tremblement de terre de Lisbonne de 1755 dans les chapitres V et VI. Dans le chapitre V, Candide et Pangloss arrivent à Lisbonne et sont confrontés à cette catastrophe naturelle dévastatrice. Le chapitre VI décrit les conséquences du séisme, notamment les superstitions et les réactions de la population face à ce désastre. Ces passages illustrent la critique de Voltaire envers l’optimisme philosophique de l’époque, remettant en question l’idée que « tout est pour le mieux dans le meilleur des mondes possibles« .​ ↩︎
  7. IPMA : https://www.ipma.pt/pt/geofisica/sismicidade/ ↩︎
Le désastre qui a changé nos croyances, 1755 ✵ PASSEPORT pour Hier

Article écrit par
Retour en haut
Portugal.fr
Résumé de la politique de confidentialité

Ce site utilise des cookies afin que nous puissions vous fournir la meilleure expérience utilisateur possible. Les informations sur les cookies sont stockées dans votre navigateur et remplissent des fonctions telles que vous reconnaître lorsque vous revenez sur notre site Web et aider notre équipe à comprendre les sections du site que vous trouvez les plus intéressantes et utiles.