Quotidien et omniprésent, le riz est un aliment incontournable de la cuisine portugaise, mais son histoire est bien plus riche qu’il n’y paraît. Introduit par les Arabes lors de leur conquête de la péninsule Ibérique en 711, le riz s’est progressivement implanté dans les estuaires et bassins fluviaux du Portugal. Cependant, ce n’est qu’au début du XVIIIe siècle que sa production a été officiellement documentée. Avant cela, sa culture, parfois illégale mais tolérée, s’étendait discrètement dans les régions marécageuses comme le bassin du Tage.
Un développement marqué par la régulation et la modernisation
Jusqu’au XIXe siècle, la culture du riz était limitée par des interdictions liées aux risques de malaria, mais l’intérêt pour cette céréale s’est affirmé, conduisant à la mise en place de réglementations. Au début du XXe siècle, des règles ont été établies pour préparer les sols et gérer l’eau, favorisant ainsi une expansion significative des surfaces cultivées. Dans les années 1930, les rizières avaient atteint de nouvelles régions comme le Sado, le Mondego, et le Vouga.
Grâce à des investissements dans l’irrigation et la mécanisation, le Portugal a pu adapter ses méthodes de culture à un climat méditerranéen influencé par l’Atlantique. Aujourd’hui, la production repose principalement sur des exploitations de taille moyenne à grande, bien que certains petits producteurs continuent de cultiver selon des techniques traditionnelles. Le riz est majoritairement cultivé en conditions irriguées, le semis direct étant la méthode la plus utilisée, accompagné d’une gestion précise des fertilisants et produits phytosanitaires.
Les variétés et leurs particularités
Le Portugal est réputé pour ses variétés locales de riz, en particulier le Carolino, un riz rond qui représente environ 70 % de la production nationale, avec des variétés populaires comme l’Aríete et l’Euro. Ce type de riz est idéal pour absorber les saveurs, ce qui le rend parfait pour les plats riches et traditionnels. En parallèle, le riz Agulha, caractérisé par ses grains longs et fins, complète la production nationale en apportant une option plus légère et moins collante.
Avec environ 150 millions de kilogrammes produits chaque année, principalement dans les bassins du Tejo, du Sado, et du Mondego, le Portugal reste un acteur important de la production de riz en Europe, même si les surfaces cultivées ont diminué ces dernières années, notamment à cause du manque d’eau.
Un pilier de la gastronomie portugaise
Le riz occupe une place centrale dans la culture culinaire du pays, servant de base à une multitude de plats régionaux. De l’arroz de cabidela (riz au poulet et au sang) à l’arroz de pato (riz au canard) en passant par l’arroz de marisco (riz aux fruits de mer), chaque recette met en avant la polyvalence et la capacité du riz à absorber les saveurs.
Les influences extérieures, comme les épices venues d’anciennes colonies portugaises, enrichissent également ces plats. Le curcuma, par exemple, est utilisé dans certaines recettes pour donner une couleur et un goût rappelant les traditions culinaires d’Asie et d’Afrique. Le riz s’associe également parfaitement aux fruits de mer, une évidence dans un pays bordé par plus de 1 000 kilomètres de côtes. L’arroz de polvo (riz au poulpe) et l’arroz de tamboril (riz à la lotte) sont deux exemples emblématiques de cette alliance terre-mer.
Une production face aux défis
Bien que le Portugal maintienne une production de riz proche de la moyenne européenne, le secteur fait face à plusieurs défis structurels et environnementaux. L’un des principaux problèmes réside dans la diminution progressive des surfaces cultivées, due en partie à l’urbanisation et à la concurrence avec d’autres cultures agricoles. Par ailleurs, les pratiques intensives d’irrigation, indispensables à la culture du riz, exercent une pression importante sur les ressources en eau, particulièrement dans un contexte de changement climatique où les périodes de sécheresse deviennent plus fréquentes.
Sur le plan technologique, bien que les exploitations soient en grande partie mécanisées, certaines petites exploitations utilisent encore des méthodes traditionnelles qui limitent leur rendement. De plus, les coûts élevés des fertilisants et des produits phytosanitaires nécessaires pour protéger les cultures contre les maladies et les parasites constituent une contrainte financière pour les producteurs.
Pour répondre à ces défis, des solutions innovantes ont été mises en place. La gestion rigoureuse de l’eau, grâce à des systèmes d’irrigation modernisés, permet d’optimiser l’utilisation de cette ressource précieuse. Le recours à des variétés de riz adaptées, comme le Carolino, connues pour leur résistance et leur rendement élevé, contribue également à améliorer la productivité. Par ailleurs, les pratiques agricoles évoluent vers une approche plus durable, avec une utilisation réduite d’intrants chimiques et une diversification des cultures pour préserver la qualité des sols.
Malgré ces difficultés, le savoir-faire historique des riziculteurs portugais et leur capacité à s’adapter aux changements garantissent la compétitivité du riz portugais. Ce dernier continue de répondre à une demande croissante, tant au niveau national qu’international, tout en conservant sa place comme élément central de l’agriculture et de la culture culinaire du pays.
Une tradition culinaire et un héritage culturel
Au-delà de son importance agricole, le riz est profondément ancré dans la culture portugaise. Il est présent sur toutes les tables, des plats du quotidien aux grandes célébrations. Même les desserts en font un ingrédient star, comme le montre l’arroz doce, un riz au lait parfumé à la cannelle et au citron, servi lors des fêtes de fin d’année ou des mariages.
Avec une consommation annuelle moyenne de 15 kilogrammes par habitant, le riz est véritablement l’ami inséparable de la cuisine portugaise. Qu’il soit dégusté avec des fruits de mer, des viandes savoureuses, ou en dessert sucré, il continue de nourrir et d’inspirer la culture culinaire du Portugal.