Le Portugal, plaque tournante du trafic d’enfants en Europe

trafic enfant portugal

Courrier International publie un dossier-choc sur une réalité glaçante : le Portugal serait devenu un maillon stratégique des réseaux de trafic de mineurs en Europe. Des enfants venus d’Afrique ou d’Amérique latine sont détournés vers des pays européens via le territoire portugais, parfois destinés à l’adoption illégale, à la mendicité ou à l’exploitation dans des académies de football. Un trafic discret, structurant, et très lucratif.

Un pays de transit bien identifié par les trafiquants

En 2024, 24 mineurs ont été interceptés dans les aéroports portugais, généralement accompagnés de « mules humaines » disposant de faux papiers. La police judiciaire a décelé une activité soutenue : des enfants originaires d’Angola, de Guinée, du Congo ou du Ghana sont ainsi dirigés vers la France, la Belgique ou la Suisse. Le Portugal, grâce à ses liens historiques avec les pays lusophones et à sa position dans l’espace Schengen, servirait de porte d’entrée européenne.

Le processus est toujours le même : un adulte affublé de documents frauduleux voyage avec un enfant qu’il prétend être le sien. Une fois la frontière passée, l’enfant est pris en charge par d’autres membres du réseau. Leurs identités sont alors changées, et ils disparaissent dans la nature.

Des enfants invisibles, un trafic très rentable

traffic enfant portugal

Le témoignage d’une source policière est sans appel : « Cette femme vit de ça. Elle place des enfants en Europe pour 4000 dollars par tête« . Le mobile est clair : certaines familles d’accueil les adoptent ou les déclarent à charge pour toucher des aides sociales pouvant atteindre 1500 euros par mois.

Une fois sur le sol européen, ces enfants sont parfois réellement accueillis par des compatriotes, mais peuvent aussi être orientés vers des réseaux de prostitution, de servitude domestique ou de mendicité forcée. Le rapporteur national pour le trafic d’êtres humains au Portugal, Manuel Albano 1, rappelle que si les chiffres sont faibles, « il suffit d’un seul cas pour que ce soit alarmant ».

Cas emblématiques : Lisbonne et Porto

Le 11 mars 2025, à l’aéroport de Lisbonne, un adolescent angolais de 15 ans et une femme luso-angolaise sont interceptés. Le mineur dispose d’un document portugais d’urgence. Leur destination : la France. La femme aurait organisé le passage de dizaines d’enfants depuis 2020. Déjà pendant la pandémie, elle agissait.

Le 22 mars, nouveau cas à Porto. Un homme de 48 ans arrive avec une enfant de 6 ans. Il n’est pas son père. Leur itinéraire : Luanda → Istanbul → Porto. Les tests ADN confirmeront l’absence de lien parental. L’homme est incarcéré, la petite fille placée sous tutelle de l’État.

Des identités volatiles, des enfants introuvables

Une fois entrés en Europe, ces mineurs « disparaissent de la circulation ». Ils changent de nom, parfois de nationalité. Les autorités soulignent l’impossibilité de suivre leur trace : les papiers sont faux, les informations incohérentes, les enfants souvent silencieux. Certaines familles à la frontière Angola-Congo vendent leurs enfants avec l’espoir d’une vie meilleure, manipulées par les trafiquants.

Football, adoptions et mécanismes de contournement

traffic enfant portugal

Le Rapport annuel de sécurité intérieure (RASI) fait état de 24 victimes identifiées en 2024, majoritairement des garçons entre 2 mois et 17 ans. Certaines destinations sont connues : adoption illégale, académies de football, mendicité. En 2023, une opération baptisée El Dorado avait permis de retrouver 36 jeunes footballeurs dans une école de Famalicão 2.

Le Portugal est un point de passage, pas une destination finale. Les enfants arrivent, sont pris en charge et disparaissent vers d’autres pays européens. L’espace Schengen, la communauté lusophone, et les failles dans la détection des faux documents rendent la surveillance complexe.

Un refuge saturé, une protection limitée

Le centre d’accueil spécialisé portugais ne possède que 10 places. Elles sont presque toujours occupées. L’association Akto 3, qui gère cet espace, demande la création d’autres structures. Certains enfants restent plusieurs mois, voire années, le temps que la justice statue sur leur sort.

Quant aux trafiquants, peu sont condamnés pour traite d’enfants. Faute de preuves sur l’intention d’exploitation, ils sont souvent poursuivis pour falsification de documents ou aide à l’immigration irrégulière. L’existence d’un mécanisme national de référencement n’empêche pas les réseaux de s’adapter.

Une menace invisible, une Europe complice ?

Le dossier publié par Expresso 4 et repris pas Courrier International 5 alerte sur un angle mort de la politique européenne de lutte contre la traite : le passage par des pays tiers en apparence sûrs, comme le Portugal. L’absence de coordination entre polices nationales, la faiblesse de l’accompagnement des mineurs, et le manque de structures d’accueil rendent ces enfants vulnérables aux pires abus.

Comme le rappelle Manuel Albano, « il suffit d’un seul enfant pour que ce soit un drame ». Mais ce sont des dizaines qui traversent, chaque année, les aéroports portugais, au nom d’un marché illégal mondialisé qui prospère dans l’ombre.


Article écrit par
Retour en haut