La via verde portugaise pour l’immigration

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Depuis le 1er avril 2025, le Portugal a mis en place une mesure inédite pour accélérer l’embauche de travailleurs étrangers. Baptisé « via verde » pour l’immigration, ce nouveau protocole vise à simplifier les démarches administratives pour les grandes entreprises en manque de main-d’œuvre, tout en imposant des conditions strictes. Signé par le gouvernement portugais, ce dispositif soulève autant d’espoirs que d’interrogations sur la gestion éthique et structurelle des flux migratoires dans un contexte de tension sur le marché du travail.

Un protocole pour simplifier les démarches migratoires

Le dispositif a été officialisé par le Premier ministre Luís Montenegro et repose sur un protocole de coopération entre plusieurs acteurs publics et privés. L’objectif : réduire les délais d’obtention de visas pour les ressortissants étrangers ayant déjà un contrat de travail en main. Il s’adresse principalement aux entreprises de grande taille, mais peut également bénéficier à certaines fédérations et associations patronales remplissant les conditions fixées.

Parmi les signataires, on retrouve :

  • la Direction générale des Affaires consulaires et des Communautés portugaises (DGACCP) 1,
  • l’Agence pour l’Intégration, les Migrations et l’Asile (AIMA) 2,
  • l’Institut pour l’Emploi et la Formation professionnelle (IEFP) 3,
  • la Coordination des frontières et des étrangers (UCFE/SSI) 4.

Le protocole n’a pas de durée fixe : il peut être suspendu à tout moment si les conditions de sécurité ne sont plus réunies ou si les services publics sont jugés surchargés. En revanche, les visas déjà émis dans ce cadre conservent leur validité même en cas de suspension.

Comment fonctionne la via verde pour l’immigration ?

Le processus, bien que cadré, reste administratif et implique plusieurs étapes :

  1. L’employeur envoie un dossier complet à la DGACCP, par email, pour initier la demande de visa.
  2. Dans un délai de deux jours, la demande est transmise au consulat compétent qui convoque le candidat.
  3. Le dossier est ensuite examiné et le processus d’émission du visa est engagé.
  4. L’AIMA et l’UCFE rendent leurs avis pour autoriser la délivrance du visa.
  5. Enfin, le poste consulaire rend sa décision et en informe le demandeur.

Le visa doit être délivré dans un délai de 20 jours après l’entretien au consulat, sous réserve que tous les critères soient respectés : contrat de travail signé, logement adéquat, couverture santé et preuve d’intégration linguistique (formation en portugais prévue).

Un accès réservé aux entreprises solides

Ce dispositif n’est pas ouvert à toutes les structures. Pour y accéder, les entreprises doivent :

  • Employer au moins 150 salariés,
  • Avoir un chiffre d’affaires annuel supérieur à 25 millions d’euros,
  • Être à jour de leurs obligations fiscales et sociales,
  • Disposer d’un code de certification permanent valide.

Des conditions similaires sont imposées aux associations professionnelles, qui doivent regrouper au moins 30 membres et déclarer un chiffre d’affaires global de plus de 250 millions d’euros. Pour les très grandes entreprises (plus de 20 millions d’euros de CA), l’accès est quasi automatique, dans une logique de simplification accrue pour les secteurs stratégiques en tension.

Une réponse à la pénurie… mais sous conditions

Ce couloir express a été conçu comme une réponse ciblée à la pénurie de main-d’œuvre dans certains secteurs-clés de l’économie portugaise. Il s’inscrit dans une volonté politique de soutenir la compétitivité nationale face à la désindustrialisation, au vieillissement démographique et à l’émigration des jeunes diplômés.

Mais cette facilité d’accès à la main-d’œuvre étrangère ne s’exonère pas d’un cadre éthique strict. Les entreprises doivent garantir aux travailleurs recrutés des conditions dignes d’intégration : un logement adapté, un parcours de formation en portugais et un emploi légal et durable. L’AIMA peut suspendre ou exclure toute entité ne respectant pas ces obligations dans un délai de cinq jours ouvrés après constatation d’un manquement.

Une mesure qui divise les acteurs politiques et sociaux

Pour les syndicats et certaines ONG, cette « via verde » soulève plusieurs inquiétudes : elle pourrait créer un traitement inégal entre entreprises, favoriser une immigration de travail ultra-flexible au profit des plus puissants, et accroître la pression sur les services sociaux si l’intégration n’est pas rigoureusement encadrée. À l’inverse, le gouvernement la présente comme une avancée pragmatique, nécessaire pour éviter la délocalisation de certains pans de l’économie ou le ralentissement de chantiers critiques.

Le débat est lancé, et les premiers bilans seront scrutés de près par les observateurs européens. À l’heure où la mobilité internationale du travail devient une réalité incontournable, le Portugal expérimente ici un modèle de gestion migratoire public-privé inédit en Europe occidentale.

Vers une nouvelle gouvernance de l’immigration économique ?

La « via verde » ne remplace pas les procédures classiques d’immigration, mais elle en constitue une voie parallèle réservée à certains acteurs économiques. Si elle fonctionne, elle pourrait inspirer d’autres pays confrontés aux mêmes défis de pénurie de talents qualifiés. Mais son avenir dépendra de la capacité des entreprises à respecter les engagements pris, et de la vigilance des institutions à faire respecter les règles du jeu.

Une chose est certaine : en créant ce canal rapide mais sélectif, le Portugal assume un choix politique clair. Celui de mettre l’immigration économique au service de son développement … sans renoncer à l’exigence d’intégration et de respect des droits fondamentaux.

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