Incendies au Portugal, quelles sont les causes de la catastrophe ?

feux au Portugal

Le Portugal est une nouvelle fois en proie à des incendies dévastateurs. Depuis dimanche dernier, les flammes ont ravagé les régions du nord et du centre du pays, notamment les districts d’Aveiro, Porto, Vila Real et Viseu. Le bilan est lourd : sept morts, dont trois pompiers décédés dans un accident en se rendant sur un sinistre à Tábua, et quarante blessés, dont deux grièvement atteints. Des dizaines de maisons ont été détruites, et des autoroutes majeures comme l’A1, l’A25 et l’A13 ont dû être coupées. Au total, ce sont plus de 124.000 hectares qui ont été réduits en fumées !

Si les pompiers, aidés par des renforts internationaux, commencent à maîtriser les foyers, une question brûlante demeure : qu’est-ce qui a pu provoquer une telle catastrophe ? Les causes de ces incendies semblent multiples et complexes, mêlant facteurs humains, économiques et environnementaux. Il est temps d’examiner les différentes hypothèses pour tenter de comprendre l’ampleur du drame.

La piste criminelle privilégiée par les autorités et la population

Le Premier ministre portugais a annoncé la création d’une « équipe spécialisée » pour enquêter sur l’origine criminelle des incendies récents, évoquant « trop de coïncidences » et « des intérêts particuliers« . De son côté, la Garde nationale républicaine (GNR) a arrêté 7 hommes suspectés de « crime d’incendie forestier » entre samedi et mardi, dans les régions de Leiria, Castelo Branco, Porto et Braga. Depuis le début de l’année, ce sont 33 personnes qui ont été interpellées pour des faits similaires.

La croyance populaire, elle aussi, pointe du doigt des actes criminels. 70 % des personnes interrogées estiment que les incendies sont d’origine criminelle. Pour 20 %, il s’agit d’une mauvaise gestion des autorités. Pratiquement personne ne croit que le réchauffement climatique soit la principale cause des incendies. 1

Mais qui sont ces criminels ? Les avis divergent. Certains évoquent des pyromanes isolés, d’autres suspectent des intérêts économiques majeurs. Explorons les différentes théories qui alimentent les conversations, des plus plausibles aux plus spéculatives.

Pyromanes isolés : une explication insuffisante

feu au Portugal

Les pyromanes, individus souffrant de troubles psychologiques les poussant à allumer des feux, sont une réalité. Cependant, cette explication semble insuffisante pour justifier l’ampleur des incendies au Portugal. Il n’y a pas de raison apparente pour que le Portugal compte plus de pyromanes que la France, par exemple, qui est proportionnellement moins touchée par les feux de forêt.

De plus, les rapports font état de multiples départs de feu simultanés à différents endroits, ce qui rend peu probable l’action d’une seule personne. La nature inflammable des eucalyptus et des résineux, très présents au Portugal, pourrait faciliter la propagation des feux, mais n’explique pas leur origine.

Intérêts économiques : l’ombre des industries du papier, des éoliennes et du lithium

Plusieurs hypothèses suggèrent que des acteurs économiques pourraient tirer profit des incendies. Parmi eux, l’industrie du papier est souvent pointée du doigt. Le Portugal est un grand producteur de papier de haute qualité, utilisant principalement l’eucalyptus comme matière première. Toutefois, cette industrie possède généralement ses propres plantations et n’aurait pas intérêt à détruire des forêts qui ne lui appartiennent pas, au risque de voir le feu se propager à ses propres ressources.

La théorie selon laquelle les feux seraient allumés pour installer des éoliennes paraît également peu crédible. Les éoliennes nécessitent des zones venteuses, pas forcément situées en pleine forêt, et le coût économique et environnemental d’une telle opération serait exorbitant.

La suspicion se tourne aussi vers les promoteurs immobiliers, qui pourraient profiter de terrains dévastés pour construire de nouveaux projets. Cependant, changer l’affectation des sols est un processus long et réglementé, nécessitant des révisions du plan directeur municipal et des consultations publiques. De plus, cette hypothèse n’explique pas les incendies dans des zones peu attractives pour l’immobilier.

Enfin, l’exploitation du lithium, dont le sous-sol portugais est riche, est une piste évoquée. Les gisements se trouvant souvent sous des forêts, certains imaginent que des feux seraient déclenchés pour faciliter les opérations minières. Là encore, sans preuves tangibles, cette théorie reste spéculative.

Négligence et gestion forestière défaillante

Gestion forestiere

La négligence humaine est une cause majeure d’incendies. L’utilisation imprudente du feu, l’abandon de déchets inflammables ou l’absence d’entretien des forêts peuvent transformer une étincelle en brasier. La GNR souligne que l’usage négligent du feu est l’une des causes les plus importantes des incendies investigués cette année.

Les propriétaires forestiers, souvent âgés et sans moyens financiers, peinent à entretenir leurs terrains. Le faible prix du bois ne les incite pas à investir dans la maintenance, créant un cercle vicieux : une forêt mal entretenue est plus vulnérable aux incendies, qui à leur tour font chuter la valeur du bois.

Le rôle du réchauffement climatique sous-estimé

Malgré le faible pourcentage de personnes pointant le réchauffement climatique comme cause principale, il est indéniable que les conditions météorologiques extrêmes amplifient les risques d’incendie. Des températures élevées, des vents forts et une faible humidité créent un environnement propice à la propagation rapide des feux.

Le Portugal, comme d’autres pays, est confronté à la « triple crise planétaire » : changements climatiques, perte de biodiversité et pollution. La Constitution portugaise protège les droits environnementaux, mais ces engagements risquent de rester lettre morte si des actions concrètes ne sont pas entreprises.

Vers une réponse globale et urgente

Réponse globale feu portugal

Face à cette situation complexe, il est clair qu’aucune cause unique ne peut pour le moment expliquer la gravité des incendies au Portugal. Il s’agit plutôt d’une combinaison de facteurs : actes criminels, négligence humaine, intérêts économiques, gestion forestière inadéquate et impact du changement climatique.

Il est impératif que les autorités mènent une enquête approfondie pour identifier et sanctionner les responsables directs. Mais au-delà de la répression, une réflexion globale sur la gestion des forêts, la valorisation du bois et la sensibilisation de la population est nécessaire.

Le Portugal doit également honorer ses engagements internationaux en matière d’environnement et de droits humains, en travaillant notamment au sein de l’Union européenne pour fixer des objectifs ambitieux lors de la COP29.

Il n’est pas trop tard pour éviter des catastrophes encore pires. L’heure est à l’action collective, nationale et internationale, pour affronter les défis environnementaux qui menacent non seulement le Portugal, mais l’ensemble de la planète. Comme le souligne le président Marcelo Rebelo de Sousa, « nous ne laisserons pas ces criminels impunis« . Mais il est tout aussi crucial de ne pas laisser l’inaction et l’indifférence aggraver la situation.

Provoquer le questionnement pour mieux agir

En fin de compte, ces incendies doivent nous interpeller sur notre rapport à la nature, à l’économie et à la société. Quels sacrifices sommes-nous prêts à faire pour préserver notre environnement ? Comment concilier développement économique et protection de nos forêts ? La réponse ne viendra pas d’une simple accusation, mais d’une prise de conscience collective et d’une volonté politique forte.

Le Portugal se tient à un carrefour décisif. La prévention des incendies et la protection de l’environnement doivent devenir des priorités nationales. C’est à ce prix que nous pourrons éviter que les flammes ne consument pas seulement nos forêts, mais aussi notre avenir.


  1. Les données du sondage on été recueillies sur le groupe Facebook @portugalenfrancais. Le sondage a été effectué sur un total de 500 réponses. Le sondage a été ouvert pendant 48h.
    Il a été réalisé via la fonctionnalité de questionnaire intégrée à Facebook, garantissant une participation anonyme et un comptage automatique des votes. ↩︎

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