Grève massive prévue ce jeudi au Portugal

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Ce jeudi 24 octobre, le Portugal se prépare à une journée de paralysie sans précédent dans les services publics. À l’appel de la Frente Comum, qui regroupe 29 syndicats de la fonction publique, une grève nationale est organisée pour dénoncer la politique budgétaire du gouvernement et la dégradation progressive des conditions de travail dans l’administration. Éducation, santé, justice, patrimoine culturel : tous les secteurs seront touchés. Une démonstration de force que les syndicats qualifient déjà de « grève massive ».

Un budget 2026 qui cristallise les tensions sociales

À l’origine du mouvement, la présentation du projet de budget pour 2026, déposée le 9 octobre au Parlement portugais. Ce texte, selon les syndicats, consacre la rigueur plutôt que le progrès social. « Le budget prévoit une augmentation des dépenses de santé inférieure à l’inflation, tout en continuant à transférer plus de la moitié des fonds publics vers le secteur privé », dénonce Sebastião Santana, coordinateur de la Frente Comum. Le syndicaliste s’alarme également d’une hausse significative des dépenses de défense, et d’un investissement de 50 millions d’euros dans l’armement destiné à l’Ukraine. « Il est honteux que l’on considère que le Portugal a aujourd’hui plus de problèmes de sécurité que de santé », a-t-il fustigé.

En toile de fond, une revendication salariale de +15 %, soit une hausse d’au moins 150 euros mensuels pour les agents publics. Une demande que le gouvernement juge irréaliste au regard du léger excédent budgétaire prévu (0,1 % du PIB), mais que les syndicats estiment « parfaitement finançable » si certaines priorités fiscales sont reconsidérées. Parmi elles : 1,7 milliard d’euros d’allègements fiscaux prévus pour les entreprises et 300 millions d’euros de baisse d’impôt sur les sociétés.

Une grève étendue, des services fermés

La journée de jeudi pourrait connaître des perturbations majeures. « Ce sera une grève forte, visible, et elle doit faire comprendre au gouvernement qu’il achète un conflit social qu’il ne pourra pas contenir », affirme Sebastião Santana. Selon la Frente Comum, une participation élevée est attendue dans les écoles, les hôpitaux, les tribunaux, les mairies, mais aussi dans les services de gestion du patrimoine culturel. Plusieurs établissements pourraient fermer leurs portes, comme cela avait été le cas lors de précédents mouvements d’ampleur.

La question des services minimums, notamment dans le secteur de la santé, fait débat. Des soins urgents, des opérations vitales, des hospitalisations à domicile ou des traitements de fertilité seront garantis. Mais près de vingt entités ont contesté la définition de ces services devant le tribunal arbitral, qui doit trancher. « C’est une honte que le gouvernement ne s’inquiète des besoins sociaux essentiels que les jours de grève », critique Santana, qui rappelle que certaines urgences fonctionnent en sous-effectif le reste du temps.

Un projet de réforme de la fonction publique dans le viseur

Au-delà du budget, les syndicats dénoncent une réforme de l’État qu’ils qualifient de « démolition programmée ». L’annonce de la création d’une Agence de gestion du système éducatif, à la logique managériale, est perçue comme une première étape vers la privatisation de l’enseignement public. Le projet de réforme du travail est lui aussi qualifié de « honteux » par la Frente Comum, qui y voit une remise en cause des droits fondamentaux des agents publics.

La colère monte aussi face au sentiment d’isolement des syndicats. Si le gouvernement reste sourd, les mobilisations pourraient s’amplifier. « C’est toujours la lutte des travailleurs qui a permis de faire tomber des gouvernements ou d’obtenir des avancées sociales », rappelle le leader syndical. Selon lui, la mobilisation ne vise pas uniquement le Parlement, mais s’inscrit dans un rapport de force plus large entre l’exécutif et la société civile.

Des divisions politiques mais une pression croissante

Pour l’heure, le Parti socialiste (PS), qui ne dispose pas de majorité absolue, a annoncé une « abstention exigeante » sur le budget. Mais la grève pourrait rebattre les cartes. Sebastião Santana estime que le PS « a encore le temps de changer d’avis ». Il insiste : « le processus politique n’appartient pas uniquement aux députés ; il est aussi influencé par les mouvements sociaux et la rue ».

Face à un budget contesté, à des choix politiques jugés injustes et à une concertation jugée absente, les fonctionnaires portugais s’apprêtent à frapper fort. Ce jeudi, leur grève pourrait bien sonner comme un premier avertissement adressé à un gouvernement de plus en plus sous pression.


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