Entre silence, chants et lueurs vacillantes, le sanctuaire marial de Fátima a de nouveau rassemblé, dans la nuit du 12 au 13 mai, une foule de visages venus des cinq continents. Près de 270.000 fidèles ont pris part à la traditionnelle procession des cierges, convergeant vers la Cova da Iria pour rendre hommage à celle qui, en 1917, parla à trois enfants bergers de paix et de conversion. Cette année, l’événement prenait une résonance toute particulière : il s’agissait de la première grande célébration mariale depuis la disparition du pape François et l’élection de son successeur, Léon XIV.
Une procession marquée par l’émotion et le recueillement
Dès la tombée de la nuit, les milliers de bougies brandies par les pèlerins dessinaient une mer de lumière dans le vaste parvis du sanctuaire. Les chants mariaux, murmurés dans toutes les langues, accompagnaient le passage de la statue de la Vierge, portée avec lenteur et solennité. Abraços, sorrisos e lágrimas : des embrassades, des larmes et des sourires se mêlaient dans cette atmosphère de foi partagée.

Le cardinal brésilien Jaime Spengler, président de la Conférence des évêques du Brésil et du CELAM (Conseil épiscopal latino-américain) 1, présidait les cérémonies. Nommé cardinal par François en décembre 2024, il fut aussi l’un des électeurs du conclave qui a désigné Robert Francis Prevost comme pape Léon XIV. Dans son homélie, Spengler a appelé les fidèles à devenir « des pèlerins de l’espérance » dans un monde en proie à la fragmentation, à la violence et à la perte de repères démocratiques.
« Nous rêvions d’une société de paix après la chute du mur de Berlin. Ce rêve n’est pas devenu réalité », a-t-il déclaré, déplorant également l’affaiblissement des grandes instances de médiation internationales telles que l’ONU, l’OEA ou l’OTAN. Un discours lucide, grave, mais porteur d’un message de responsabilité spirituelle.
Un pèlerinage entre tradition, actualité et avenir du catholicisme
Ce 13 mai marque aussi le 108e anniversaire des apparitions mariales de Fátima. Le souvenir de la Vierge s’adressant aux petits pastoureaux — Lúcia dos Santos, Francisco et Jacinta Marto — reste au cœur de la mémoire collective portugaise et catholique. Les mots « N’ayez pas peur », prononcés par la Dame de lumière ce jour-là en 1917, résonnent encore avec force à chaque procession, comme une invitation renouvelée à garder foi et courage face à l’inconnu.
Le contexte posthume du pape François

C’était la première grande célébration à Fátima depuis le décès du pape François, survenu le 21 avril 2025. Le pontife argentin avait visité le sanctuaire à deux reprises : en mai 2017 pour le centenaire des apparitions et la canonisation de Francisco et Jacinta Marto, puis en août 2023 lors des Journées mondiales de la jeunesse. Son attachement à Fátima était profond, et son souvenir a été évoqué avec émotion par les fidèles et les prélats.
Le nouveau souverain pontife, Léon XIV, élu le 1er mai, n’a pu être présent en raison d’un engagement antérieur. Selon l’évêque de Leiria-Fátima, D. José Ornelas, le pape a exprimé le souhait de venir en pèlerinage à Fátima prochainement, peut-être en octobre. Son absence physique n’a pas empêché une forte présence symbolique, puisque la célébration s’est conclue par la consécration de son pontificat à la Vierge de Fátima, un geste lourd de sens dans la tradition catholique.
Une ferveur venue des cinq continents
Selon les données du sanctuaire, 173 groupes organisés représentant plus de 30 nationalités avaient fait le déplacement, venant d’Europe, d’Amérique, d’Afrique et d’Asie. Ce caractère universel, profondément enraciné dans l’ADN de Fátima, rappelle que ce lieu reste l’un des plus grands centres spirituels du catholicisme mondial.
La journée du 13 mai s’est poursuivie dès l’aube avec la récitation du rosaire à la Chapelle des apparitions, suivie de la messe solennelle ponctuée par la bénédiction des malades, et enfin de la procissão do adeus, un moment toujours très émouvant pour les pèlerins.
Fátima, miroir d’un monde en quête de sens
Chaque année, les célébrations du 13 mai à Fátima ravivent l’héritage spirituel d’un Portugal profondément marqué par la foi catholique. Mais cette année, la dimension politique et géopolitique est plus perceptible que jamais. En pleine crise des démocraties et dans un climat d’inquiétudes planétaires, la figure de Marie — humble, lumineuse, protectrice — redevient un repère.
Le message central des apparitions, fondé sur la paix, la conversion et la prière, trouve un nouvel écho dans un monde fragmenté. À Fátima, les différences d’origine, de langue ou de statut s’effacent. Il ne reste que le silence partagé, les visages levés vers la lumière, et cette certitude commune que l’espérance n’est pas une illusion, mais une force à entretenir ensemble.
Un élan spirituel unique
En réunissant 270 000 personnes dans un même élan spirituel, le pèlerinage de Fátima du 13 mai 2025 confirme la place centrale du sanctuaire dans l’imaginaire religieux contemporain. Au-delà des chiffres, c’est l’universalité du message marial qui impressionne : une invitation à la paix, à la fraternité, et à la foi dans un avenir réconcilié. Tandis que le monde traverse des turbulences multiples, la voix douce entendue à la Cova da Iria en 1917 continue de murmurer à ceux qui l’écoutent : « N’ayez pas peur ». Et les pèlerins répondent, en marchant, en priant, en espérant.
- CELAM : https://celam.org/ ↩︎