Le Portugal, réputé pour ses plages ensoleillées, son riche patrimoine culturel et sa gastronomie, est sans conteste une des destinations touristiques européennes les plus en vogue. Mais le Portugal doit faire face à des défis majeurs liés au dérèglement climatique et à une pénurie d’eau de plus en plus grave. Ces problèmes, plus profonds et ancrés qu’on ne le pensait, pourraient transformer radicalement le visage du tourisme dans le pays dans les années à venir.
Une pénurie d’eau alarmante et des tensions transfrontalières
La situation hydrique au Portugal s’est détériorée, mais c’est en Espagne que la pénurie d’eau est particulièrement critique, avec des régions où l’eau est quasiment épuisée. Cette rareté a engendré des conflits émergents entre l’Espagne et le Portugal, notamment autour du fleuve Douro. Ce fleuve, essentiel pour l’irrigation, la production d’énergie et le tourisme fluvial, est au cœur de tensions sur le partage et la gestion de ses ressources. Ces conflits pourraient affecter non seulement les relations diplomatiques entre les deux pays, mais aussi l’industrie touristique qui dépend du Douro.
Bien qu’elle soit un bien commun, dans la réalité l’eau reste trop souvent une source de rivalité et d’accaparement, et cette situation ne risque pas de s’arranger dans les années à venir ! Le phénomène que nous décrivons sur la péninsule ibérique n’est finalement que le reflet de ce qui se passe dans le monde, où les tensions autour de l’eau se cristallisent particulièrement à l’échelle régionale ! L’eau ne pose donc pas que des problèmes de ressources mais aussi des problèmes géopolitiques, et selon certains observateurs cela pourrait en être de même pour le tourisme dans le futur.
Quand la sécheresse incite l’Espagne à violer un accord avec le Portugal
Depuis l’automne 2022, la pénurie d’eau due aux sécheresses persistantes alimente des tensions entre l’Espagne et le Portugal, deux pays qui partagent les ressources du fleuve Douro. Ce fleuve prend sa source dans la région de Salamanque, au nord-ouest de l’Espagne, et se jette dans l’océan Atlantique après avoir traversé la région de Porto, au nord du Portugal.
En tant que puissance agricole, l’Espagne considère que ses besoins en eau sont plus importants que ceux du Portugal. Elle a ainsi choisi de réduire le débit du Douro en direction du Portugal, contrevenant à la convention d’Albufeira signée en 1998, qui impose à l’Espagne de maintenir un débit minimum pour son voisin. Au Portugal, cette décision a suscité des préoccupations chez les agriculteurs, les autorités et les ONG, car le pays dépend fortement de cette eau. En effet, cinq des principaux fleuves portugais prennent leur source en Espagne.
Les problèmes naissants peuvent aussi être facteur de coopération
Bien que, comme nous l’avons montré, l’eau soit souvent source de tensions, elle joue également un rôle crucial dans la coopération internationale. On a pu le remarquer dans un article récent au sujet de la coopération entre la France, le Portugal et l’Espagne. En effet, ces trois pays partagent des problématiques de ressources et montrent que des accords internationaux sont essentiels pour une gestion commune des ressources hydriques.
Depuis les années 1950, environ 334 accords internationaux sur l’eau ont été signés dans le monde, visant à créer une gouvernance collective et à maximiser les bénéfices communs, qu’il s’agisse de la production d’électricité ou de l’agriculture. Des commissions internationales, comme celles qui encadrent les fleuves, ont pour mission de garantir la gestion durable des ressources en eau tout en préservant l’environnement. Ces accords renforcent la coopération régionale, contribuant ainsi à la stabilité et à la paix, en instaurant un dialogue constructif entre les nations.
Les effets du changement climatique sur le Portugal
Le changement climatique se manifeste au Portugal par des températures plus élevées, des sécheresses prolongées et une augmentation des incendies de forêt. Ces phénomènes ont un impact direct sur l’environnement naturel, qui est l’un des principaux atouts touristiques du pays.
- Sécheresses accrues : La température augmente et les épisodes de canicule sont de plus en plus fréquents. Les réserves d’eau douce diminuent, affectant non seulement l’agriculture mais aussi les activités touristiques qui dépendent de l’eau, comme les parcs aquatiques et les golfs.
- Incendies de forêt : La hausse des températures et la sécheresse augmentent le risque d’incendies, mettant en danger les zones rurales et forestières prisées des randonneurs et des amoureux de la nature.
- Élévation du niveau de la mer : Les zones côtières pourraient être menacées par l’érosion et les inondations, impactant les stations balnéaires populaires.
Impact du tourisme sur les structures économiques locales
Le tourisme, bien qu’étant un pilier de l’économie portugaise, a profondément modifié les structures économiques locales. La forte concentration sur le secteur touristique a entraîné une hausse du coût de la vie, une gentrification des quartiers historiques et une dépendance économique excessive vis-à-vis des visiteurs étrangers. Cette situation a alimenté la grogne des habitants, qui ressentent une déconnexion entre le développement touristique et leurs propres besoins et bien-être.
Conséquences pour le secteur touristique
Les défis liés à la pénurie d’eau et aux tensions sociales ont des répercussions directes sur le tourisme :
- Désaffection des touristes : Les problèmes environnementaux (comme ont le voit par exemple avec les algues en Algarve) et les tensions locales pourraient dissuader les visiteurs, entraînant une baisse des revenus.
- Pression sur les ressources : Les infrastructures touristiques exacerbent la demande en eau, aggravant la pénurie et créant un cercle vicieux.
- Insatisfaction des résidents : Le mécontentement croissant des habitants peut mener à des mouvements de protestation, affectant l’image du pays comme destination accueillante.
Le scénario du pire pour le tourisme au Portugal
À l’horizon 2040, le Portugal pourrait se retrouver dans une situation critique où le dérèglement climatique et la pénurie d’eau auraient atteint des niveaux alarmants. Face à ces défis, le gouvernement serait contraint de mettre en place une réglementation et une taxation d’envergure sur le tourisme. Ces mesures, bien que nécessaires pour préserver les ressources naturelles et atténuer les impacts environnementaux, auraient des conséquences économiques et sociales significatives.
Les taxes élevées et les restrictions pourraient dissuader les touristes de visiter le pays, entraînant une baisse drastique des revenus du secteur. De plus, les coûts cachés liés à l’environnement, tels que la dégradation des écosystèmes, la pollution accrue et les tensions sociales, continueraient de s’accumuler. Les communautés locales, déjà affectées par la surdépendance au tourisme, pourraient faire face à une détérioration de leur qualité de vie si ces situations ne sont pas rapidement anticipées.
À long terme, ces coûts environnementaux et sociaux surpasseraient les bénéfices économiques apportés par le tourisme. Le modèle économique basé sur le tourisme de masse ne serait plus viable, obligeant le Portugal à repenser entièrement son approche pour assurer un développement durable et équitable pour ses habitants et son environnement.
Vers un tourisme plus durable et équitable
Pour faire face à ces défis, des mesures stratégiques sont nécessaires :
- Gestion collaborative des ressources hydriques : Renforcer la coopération entre l’Espagne et le Portugal pour une gestion durable du fleuve Douro, incluant des accords sur le partage de l’eau et la protection de l’écosystème.
- Diversification économique : Encourager le développement d’autres secteurs économiques pour réduire la dépendance au tourisme et améliorer la résilience des communautés locales.
- Engagement communautaire : Impliquer les résidents dans la planification touristique pour s’assurer que le développement profite également à la population locale.
- Promotion du tourisme responsable : Orienter les offres touristiques vers des pratiques durables, respectueuses de l’environnement et des ressources en eau limitées.
Il est impératif d’adopter une démarche consciente
Le dérèglement climatique, la pénurie d’eau et la grogne croissante des habitants constituent des défis majeurs pour l’avenir du tourisme au Portugal. Il est impératif d’adopter une approche holistique qui intègre la gestion durable des ressources naturelles, le bien-être des communautés locales et la nécessité de repenser le modèle touristique actuel. En relevant ces défis, le Portugal peut non seulement préserver son attrait touristique, mais aussi assurer un avenir durable pour ses habitants et son environnement.