Face à l’essor massif du tourisme en camping-car dans le sud du Portugal, la municipalité de Vila do Bispo, en Algarve, se mobilise pour encadrer une pratique qui, bien qu’en plein développement, soulève de sérieuses préoccupations locales. Entre préservation environnementale, cohabitation avec les résidents et respect des règles d’urbanisme, les autorités locales entendent désormais agir plus fermement. La popularité croissante de cette forme de voyage, souvent prisée pour son autonomie et sa proximité avec la nature, ne peut plus s’installer dans l’illégalité et l’improvisation. Le défi est d’organiser un tourisme itinérant durable, respectueux des espaces naturels et des communautés d’accueil.
Une pression croissante sur les territoires protégés
Vila do Bispo se situe au cœur du Parque Natural do Sudoeste Alentejano e Costa Vicentina, une zone classée qui couvre la quasi-totalité du territoire municipal. Pourtant, malgré l’interdiction en vigueur de passer la nuit dans ces espaces protégés, de nombreux camping-cars continuent de s’y installer, parfois à quelques mètres seulement des falaises. Cette occupation illégale provoque de vives tensions : pollution, insalubrité, dégradation des sentiers, perturbation de la faune … les effets se multiplient.
La maire de Vila do Bispo, Rute Silva, se montre catégorique : « Ce que nous voulons, c’est que les choses soient organisées, légales. Ce tourisme sauvage ne correspond pas à ce que nous défendons : il entraîne des nuisances, des problèmes d’hygiène et même des risques sanitaires ». La déclaration est claire : il ne s’agit pas de rejeter les visiteurs, mais d’exiger le respect du territoire.
La déclaration est claire : il ne s’agit pas de rejeter les visiteurs, mais d’exiger le respect du territoire.
Car le phénomène dépasse la seule question des parcs naturels. Les véhicules occupent parfois des parkings scolaires, empêchant les familles de déposer leurs enfants, ou s’installent dans des zones urbaines inappropriées. Les panneaux d’interdiction se multiplient, mais ils restent insuffisants sans une réglementation plus stricte et des moyens de contrôle accrus.
C’est dans ce contexte que le conseil municipal propose de lancer une discussion publique sur un nouveau règlement visant à interdire le stationnement nocturne des camping-cars dans les zones urbaines, en dehors des infrastructures prévues à cet effet. Une étape qui marque une volonté politique assumée d’encadrer fermement la situation.
Un besoin urgent d’infrastructures adaptées
Le message des autorités est clair : l’interdiction seule ne suffit pas. Pour garantir une régulation efficace et juste, il est impératif de créer davantage de lieux d’accueil légitimes. Actuellement, 2 aires de services sont opérationnelles sur le territoire ; à court terme, ce nombre devrait passer à 5.

Un enjeu qui s’étend en Algarve
Bien que Vila do Bispo soit à l’avant-garde de cette régulation, la problématique dépasse largement le périmètre de la municipalité. De nombreux autres territoires de l’Algarve, et plus largement du littoral sud et ouest du Portugal, sont confrontés à une pression similaire liée à la croissance rapide du tourisme itinérant. L’absence de planification coordonnée à l’échelle régionale se traduit par une gestion fragmentée, où certaines communes durcissent les règles pendant que d’autres peinent à réagir.
Cette hétérogénéité renforce l’impression de flou réglementaire auprès des voyageurs, qui ne savent souvent pas quelles sont les obligations ou les restrictions d’un lieu à l’autre. Elle complique aussi le travail des forces de l’ordre, contraintes de s’adapter à des règles locales parfois peu visibles ou insuffisamment harmonisées.
Pour les acteurs du territoire, il devient urgent de penser une politique nationale ou régionale d’aménagement et de signalisation, incluant des critères communs d’accueil, des campagnes d’information multilingues et une cartographie précise des zones autorisées. Ce n’est qu’à cette condition que le tourisme en camping-car pourra s’inscrire dans une logique de durabilité et de respect des territoires traversés.
Entre législation et terrain : les difficultés du contrôle
Sur le terrain, le contrôle de ces pratiques repose principalement sur la Garde nationale républicaine (GNR) et la Police maritime. Mais les effectifs sont limités, et les actions ponctuelles ne suffisent pas à dissuader les contrevenants. Selon le commandant de la GNR de Portimão, Francisca Albergaria, 7 opérations de contrôle ont été menées cette année, mobilisant 51 agents et débouchant sur 171 procès-verbaux.
La priorité reste l’information et la sensibilisation, en particulier auprès des touristes étrangers. Mais face aux récidives, les autorités sont de plus en plus enclines à passer à la verbalisation. « On ne peut plus fermer les yeux sur les infractions », prévient la commandante.
Les limites d’un tourisme mal informé
Le manque d’information est un autre point de friction. La majorité des camping-caristes, souvent jeunes et étrangers, ignorent la législation portugaise, voire ne savent pas qu’ils stationnent en zone protégée. Joaquim Lourenço, directeur du Salema Eco Camp, souligne ce paradoxe : « Beaucoup ne savent même pas qu’ils sont dans un parc naturel. Il n’y a même pas de panneau à l’entrée depuis Faro. »
Le problème n’est donc pas uniquement juridique ou sécuritaire ; il est aussi communicationnel. Un effort de signalisation et de pédagogie s’impose, pour que le territoire puisse accueillir sans être envahi. Car la volonté municipale est de transformer cette forme de tourisme en opportunité économique, à condition qu’elle soit bien canalisée.
Un enjeu de coexistence entre résidents et voyageurs

L’une des spécificités du tourisme en camping-car est sa tendance à l’autonomie complète : les véhicules sont équipés pour cuisiner, dormir, parfois même se laver. Cette autonomie, si elle n’est pas encadrée, engendre cependant une rupture de lien avec les structures locales. Restaurants, commerces, campings ou hôtels ne bénéficient que marginalement de cette clientèle qui tend à rester en vase clos.
Réguler, ce n’est pas interdire : c’est créer les conditions d’une cohabitation harmonieuse
Les riverains, eux, subissent parfois les conséquences : saturation des routes secondaires, nuisances sonores, occupation de l’espace public. Dans certaines zones sensibles, comme les plages accessibles par des chemins étroits, les véhicules lourds détériorent les accès et bloquent la circulation.
Réguler, ce n’est pas interdire : c’est créer les conditions d’une cohabitation harmonieuse. Cela implique de fixer des limites, de renforcer les contrôles, mais aussi de proposer des solutions concrètes pour que chacun trouve sa place.
Le tourisme itinérant, s’il est bien intégré, peut enrichir l’offre touristique locale. Il attire des publics variés, souvent sensibles aux questions environnementales, et peut générer une activité économique diffuse dans les territoires reculés. Mais sans cadre clair, il risque de devenir une source de tensions durables.
Pour Vila do Bispo, l’enjeu est désormais de passer d’une logique réactive à une stratégie territoriale proactive, articulée autour du respect des lieux, de l’information et de l’investissement dans les infrastructures.
Un sujet qui devient emblématique !
La municipalité de Vila do Bispo prend à bras-le-corps un sujet devenu emblématique des tensions entre liberté de voyager et respect des territoires. Le boom du tourisme en camping-car ne peut plus être toléré sous une forme anarchique, surtout dans des zones écologiquement fragiles et socialement sensibles. En lançant une régulation ambitieuse et en appelant à la responsabilité collective, les autorités locales posent les jalons d’un tourisme plus respectueux et durable. Encore faut-il que l’État central, les professionnels du secteur et les visiteurs eux-mêmes accompagnent ce mouvement. Car c’est dans la convergence de ces efforts que se construira une Algarve accueillante, mais protégée.







