À la découverte du Novo Rock portugais : une scène en pleine effervescence

Dans les salles de concert portugaises, une nouvelle vague de groupes fait vibrer les guitares et renaître l’énergie brute du rock. Le Novo Rock, un mouvement spontané et hétéroclite, réunit une génération de musiciens avides d’explorer les limites du punk, du grunge, du shoegaze et du hardcore. Alors que le rock semblait relégué au second plan face à l’essor du hip-hop et de l’électronique, une effervescence artistique sans précédent s’empare désormais du Portugal, de Lisbonne à Porto, offrant un vent de fraîcheur à la scène musicale nationale.

Le renouveau des guitares au Portugal

Longtemps perçu comme désuet, le rock à guitare connaît aujourd’hui un retour en force au Portugal. Après une décennie dominée par les musiques électroniques et le rap, de jeunes artistes se réapproprient les sons bruts et les performances collectives. Le confinement a paradoxalement stimulé ce mouvement : privés de concerts, les musiciens ont ressenti un besoin viscéral de recréer du lien par la musique live. Résultat, une multiplication de nouveaux groupes, un public jeune et enthousiaste, et des salles pleines à craquer pour des concerts bouillonnants.

Mais ce n’est pas un simple revival nostalgique : les groupes actuels mélangent les influences avec audace, explorant le noise, le psychédélisme, le dream-pop ou encore le jazz. Ils déconstruisent les formats traditionnels, souvent avec une forte dose d’expérimentation sonore, tout en valorisant l’esprit collectif et l’énergie brute du live.

bbb Hairdryer : la fougue grunge et l’affirmation Queer

Fondé par Elisa, bbb Hairdryer incarne à merveille cette renaissance du rock portugais. Le groupe, qui a récemment rempli le B.Leza Club à Lisbonne, pratique un grunge abrasif teinté de queercore, assumant pleinement une identité transgressive et inclusive. Leur dernier album, A Single Mother / A Single Woman / An Only Child, déploie une rage introspective et une liberté stylistique qui rappelleraient presque les débuts de Nirvana.

Elisa souligne l’importance de briser les normes dans un univers encore très masculinisé : « Beaucoup de jeunes queer nous suivent car ils trouvent en nous une voix différente, un miroir de leur vécu« . Le groupe propose ainsi un rock viscéral, mais aussi profondément politique.

Hetta : la furie screamo et la reconnaissance internationale

Dans un registre plus radical, Hetta déchaîne les passions. Oscillant entre le post-hardcore, le noise rock et le screamo, le quatuor enflamme les scènes nationales et s’ouvre peu à peu à l’international. Leur musique est un torrent d’énergie brute, entre cris déchirants et envolées sonores chaotiques.

Pour Hetta, le rock est une catharsis collective, un espace où l’intensité émotionnelle prime sur la virtuosité technique. Leur succès témoigne de l’appétit du public pour des expériences musicales authentiques, loin des formats aseptisés.

Clauthewitch : la poésie brute au féminin

Clauthewitch, mené par la charismatique Cláudia Noite, injecte une dose de poésie brute dans la scène Novo Rock. Avec sa voix habitée et ses textes sombres, le groupe explore un univers sensible entre post-punk et atmosphères gothiques.

Cláudia rappelle que la bataille pour la reconnaissance des artistes féminines dans le rock est encore loin d’être gagnée : « Le contexte portugais reste marqué par une forte inégalité dans les programmations de festivals et les espaces artistiques. » À travers Clauthewitch, elle revendique un espace d’expression libre, à la fois politique et esthétique.

Cortada : la camaraderie et la liberté sonore

Autre pilier du Novo Rock, Cortada incarne l’esprit d’amitié et d’expérimentation propre à ce renouveau. Avec un son rugueux mêlant influences punk, noise et rock alternatif, le groupe mené par Pedro Pimenta Almeida (Dusmond) refuse les carcans stylistiques.

Selon Dusmond, « la pandémie a ravivé l’envie de jouer ensemble, de recréer du bruit collectif« . Les concerts de Cortada sont souvent imprévisibles, marqués par une énergie brute et une volonté de repousser les limites de l’instrumentation traditionnelle.

O Triunfo dos Acéfalos : expérimentation et amitiés musicales

Formé autour de Luís Barreto, O Triunfo dos Acéfalos est emblématique de cette nouvelle génération de musiciens qui fusionnent esprit DIY et envie d’explorer de nouveaux sons. Initialement projet solo, le groupe a pris une tournure plus collective grâce à la rencontre avec Bugs, apportant une richesse créative inédite. Cette collaboration spontanée a permis de libérer les compositions de Luís, autrefois confinées à un univers plus introspectif. Dans la même dynamique, Luís Barreto est aussi actif avec bcc, formation qui pousse encore plus loin les limites du rock expérimental, entre électro et noise brute.

Chat GR(E)P : l’énergie brute d’une nouvelle génération

Parmi les projets les plus enthousiasmants du renouveau portugais figure Chat GR(E)P. Porté par le charismatique Francisco Cabrita, le groupe incarne l’esprit de camaraderie et d’urgence artistique qui anime la scène actuelle. Inspirés par des groupes comme Idles ou Viagra Boys, ils insufflent à leur musique une énergie brute et un sens du décalage salutaire. Leur trajectoire est emblématique de cette nouvelle communauté où entraide et soutien mutuel priment : leur premier concert a été rendu possible grâce à l’invitation des Maquina, malgré leur absence d’enregistrement à l’époque.

Desire Haze : féminité et sensibilité sur la scène rock

À travers Desire Haze, Laura Olim apporte une voix essentielle à cette scène encore marquée par une forte prédominance masculine. Leur musique, à la frontière du grunge, du shoegaze et du post-punk, est imprégnée d’une sensibilité unique. En s’imposant dans la sphère culturelle de Porto, Laura a su montrer que l’authenticité et la force d’expression n’ont pas de genre. Le projet Desire Haze révèle un besoin vital de diversité dans le rock portugais et incarne la volonté de proposer des perspectives féminines et engagées, sans compromis ni concession.

Her Name Was Fire : les éclaireurs du renouveau rock portugais

Avant même que la scène Novo Rock actuelle n’explose, un duo posait déjà les bases d’un renouveau musical au Portugal : Her Name Was Fire. Formé en 2016, le groupe a su raviver la flamme du rock alternatif grâce à un son puissant mêlant stoner rock, blues et hard rock moderne.

Composé de João Campos (guitare/chant) et Tiago Lopes (batterie), Her Name Was Fire s’est imposé par son énergie brute et ses concerts enflammés, aussi bien au Portugal qu’à l’international. Leur premier album, Road Antics, a immédiatement attiré l’attention par son mélange d’influences américaines et son caractère affirmé.

À travers leur approche indépendante, leur intensité scénique et leur capacité à fédérer autour du rock sans concessions, le duo a ouvert une voie que d’autres groupes émergents comme bbb Hairdryer, Hetta ou Chat GRP ont ensuite suivie. Leur influence discrète mais décisive a contribué à remettre les guitares au cœur de la scène portugaise.

Une scène en pleine expansion et en mutation

Le Novo Rock portugais ne se limite pas à quelques noms : il s’agit d’un véritable écosystème en expansion, porté par une forte solidarité entre musiciens, labels indépendants, organisateurs de concerts et fans passionnés. Les initiatives locales prolifèrent, les festivals mettent en avant ces nouvelles voix, et la diversité – notamment l’affirmation queer et féminine – devient une richesse incontournable.

Plus qu’une mode passagère, ce renouveau guitare incarne une quête de sens, de connexion humaine et d’authenticité musicale dans un monde de plus en plus dématérialisé. De Lisbonne à Porto, du grunge au screamo, le rock portugais écrit une nouvelle page passionnante de son histoire.