Le Département du Commerce des États-Unis a confirmé ce 15 mai 2025 l’annulation des restrictions initialement prévues sur les exportations de puces d’intelligence artificielle vers plusieurs pays, dont le Portugal. Une décision attendue et saluée à Lisbonne, où les autorités et les acteurs économiques craignaient un ralentissement majeur dans le développement des technologies émergentes et dans les investissements étrangers dans l’infrastructure numérique.
Un cadre hérité de l’administration Biden
À l’origine, la mesure baptisée AI Diffusion Framework devait entrer en vigueur ce 15 mai 2025. Conçue à la fin du mandat de Joe Biden, cette réglementation classait les pays étrangers selon deux catégories distinctes. Tandis que des alliés « de confiance » comme l’Espagne, la France ou l’Italie bénéficiaient d’un accès élargi aux technologies américaines, d’autres, dont le Portugal, étaient relégués à un second niveau, avec des limitations strictes dans l’achat de composants stratégiques liés à l’intelligence artificielle.
Le texte prévoyait notamment des restrictions sur les puces de nouvelle génération utilisées dans les centres de données, les infrastructures cloud ou encore la recherche en IA. Une telle classification avait suscité l’incompréhension à Lisbonne, d’autant que le Portugal est un partenaire stable, membre de l’OTAN, et engagé dans plusieurs coopérations technologiques avec les États-Unis.
Un impact déjà mesurable pour le Portugal
Bien que les restrictions n’aient pas encore été appliquées, leurs effets se sont déjà fait sentir. L’entreprise espagnole Merlin Properties, impliquée dans la construction d’un centre de données à Vila Franca de Xira, a ainsi redirigé une partie de son investissement initialement prévu au Portugal vers l’Espagne. La société avait invoqué, comme justification, l’incertitude juridique liée à la politique américaine en matière de transfert technologique.
Cette décision a été perçue comme un signal d’alerte par les autorités portugaises. Le pays, qui mise fortement sur l’attractivité numérique et l’accueil de data centers, voyait dans ces restrictions un risque pour sa compétitivité à l’échelle européenne. Dans un secteur hautement concurrentiel, où la rapidité d’accès aux composants avancés conditionne la performance, l’exclusion du Portugal du groupe des 18 pays dits « alliés » a été mal reçue, tant sur le plan économique que diplomatique.
Washington revient sur sa position
Le Bureau of Industry and Security (BIS), l’agence en charge de l’encadrement des exportations stratégiques, a reconnu que le dispositif initial « aurait nui à l’innovation américaine » et « alourdi la charge réglementaire des entreprises ». Dans son communiqué, l’agence admet également que la mise en œuvre du cadre Biden aurait « détérioré les relations diplomatiques avec des dizaines de pays ». En conséquence, le règlement est abrogé et sera remplacé « par une nouvelle règle à venir », sans précision de calendrier à ce stade.
Pour le Portugal, cette clarification est une victoire diplomatique, même tardive. Elle permet de lever l’ambiguïté sur le statut technologique du pays et de rassurer les investisseurs étrangers, notamment ceux du secteur numérique. Elle pourrait également relancer les négociations autour du projet de Vila Franca de Xira, désormais débloqué sur le plan réglementaire.
Un changement de cap sous Trump
Le revirement intervient dans le contexte d’un repositionnement stratégique opéré par la nouvelle administration américaine. Jeffery Kessler, secrétaire au Commerce pour la sécurité industrielle, a ainsi dénoncé dans un communiqué l’orientation de l’administration Biden, qualifiée de « mal conçue » et « contre-productive ». Il a promis une approche « audacieuse et inclusive » en matière d’intelligence artificielle, ouverte aux « pays de confiance » à travers le monde — un langage qui laisse espérer une requalification formelle du Portugal dans les mois à venir.
Et maintenant ?
Le retrait de l’AI Diffusion Framework ne garantit pas pour autant un accès illimité aux technologies américaines. Les nouvelles règles à venir pourraient redéfinir les conditions d’exportation sur d’autres critères, notamment les capacités de stockage, la puissance de calcul ou les usages militaires potentiels. Mais le Portugal retrouve une marge de manœuvre et évite, pour l’heure, un isolement stratégique dans un domaine où la souveraineté technologique devient cruciale.
À moyen terme, ce rééquilibrage devrait encourager les investisseurs à reconsidérer leurs projets au Portugal, et pousser les autorités locales à renforcer leurs liens bilatéraux avec Washington autour de la diplomatie numérique. Un enjeu majeur pour une nation qui ambitionne de devenir un hub ibérique de l’innovation technologique.