Pénurie de médecins pour les résidents étrangers au Portugal

docteur au portugal

La pénurie de médecins de famille touche de plein fouet les résidents étrangers au Portugal. En 2023, moins de la moitié des immigrés enregistrés dans les centres de santé avaient un médecin de famille attitré. Un chiffre préoccupant qui révèle un accès inégal aux soins, dans un contexte de forte demande pour les consultations de maladies aiguës, de santé maternelle et infantile. Le rapport de l’Autorité de régulation sanitaire (ERS – Entidade Reguladora da Saúde) 1 met en lumière des disparités profondes entre populations locales et étrangères, qu’elles soient en situation régulière ou non.

Un accès limité aux médecins de famille pour les résidents étrangers

En 2023, plus de 844.000 immigrants étaient inscrits dans les centres de santé portugais. Pourtant, seulement environ 419.000 d’entre eux (49,7 %) bénéficiaient d’un médecin désigné. À titre de comparaison, le taux pour l’ensemble de la population inscrite dans le SNS (Serviço Nacional de Saúde) 2 était de 83,5 %, soit un écart de près de 34 points. Cette inégalité soulève une problématique structurelle dans la prise en charge des patients étrangers, qui restent dépendants de consultations ponctuelles sans suivi personnalisé.

Cette inégalité soulève une problématique structurelle dans la prise en charge des patients étrangers

Ce manque d’attribution systématique d’un médecin généraliste empêche une continuité des soins, essentielle pour le traitement des pathologies chroniques, le suivi de grossesse ou les soins pédiatriques. En parallèle, la demande pour les consultations de santé maternelle et infantile ainsi que pour les maladies aiguës ne cesse de croître. Plus de la moitié des centres de soins interrogées jugent ces besoins comme « très fréquents », avec un taux de 51,9 % pour les pathologies aiguës et 49,2 % pour la santé mère-enfant.

Le déséquilibre est accentué dans les centres de santé urbains, plus fortement sollicités par les populations immigrées, notamment dans les régions de Lisbonne, Porto et de l’Algarve, qui concentrent une grande partie des nouveaux arrivants.

Les consultations effectuées par des utilisateurs étrangers ont représenté 6,5 % de l’ensemble des consultations de soins primaires en 2023. Les soins infirmiers, de leur côté, représentaient 7,6 % de l’activité totale. Ces chiffres confirment une participation active mais non proportionnelle au système, marquée par un accès souvent limité ou irrégulier aux professionnels référents.

Cette situation crée une double tension : d’une part, sur le système de santé lui-même, qui doit répondre à une demande croissante sans disposer des moyens nécessaires ; d’autre part, sur les patients étrangers, qui peinent à faire reconnaître leur droit à des soins équitables et adaptés.

Des obstacles persistants et différenciés selon le statut administratif

L’étude de l’ERS distingue clairement deux profils d’usagers étrangers : les résidents en situation régulière et ceux en situation irrégulière. Cette distinction a des conséquences concrètes sur leur capacité à accéder à un suivi médical digne de ce nom.

unités de soin

Les difficultés rencontrées par les étrangers en situation régulière

Pour les résidents en règle, les obstacles ne sont pas moindres. 59,2 % des centres de soins rapportent des problèmes liés à l’enregistrement dans les systèmes d’information du SNS. Ces dysfonctionnements peuvent retarder, voire empêcher l’attribution d’un médecin de famille. Les professionnels de santé pointent également le manque de clarté des directives administratives et l’absence d’un cadre réglementaire homogène. Plus de la moitié des centres (52,5 %) soulignent ainsi l’insuffisance ou la dispersion des lignes directrices en matière de gestion des droits des patients étrangers.

Les professionnels de santé pointent également le manque de clarté des directives administratives et l’absence d’un cadre réglementaire homogène

Ce flou administratif engendre une application inégale des règles sur le territoire. Certains centres acceptent plus facilement l’inscription des étrangers, tandis que d’autres imposent des exigences supplémentaires. Une disparité territoriale qui alimente les frustrations des usagers et complique le travail des soignants.

Les obstacles pour les résidents en situation irrégulière

Pour les étrangers en situation irrégulière, l’accès aux soins est encore plus restreint. Le principal frein est l’absence de documentation officielle, citée par 85,7 % des centres de soins. Sans pièce d’identité ni preuve de résidence, de nombreux immigrants sont dans l’impossibilité de s’inscrire dans le système national de santé. Cette exclusion administrative les contraint à se tourner vers des consultations d’urgence ou des associations bénévoles.

Les professionnels de santé dénoncent également des obstacles techniques : 63,8 % des centres signalent des difficultés à enregistrer ces patients dans les systèmes numériques, ce qui limite la traçabilité et la qualité des soins. Une situation qui fragilise à la fois les patients et le système dans son ensemble.

À cela s’ajoutent des barrières linguistiques (63,8 %) et juridiques (89,9 %) qui freinent la compréhension mutuelle entre patients et professionnels, augmentant le risque d’erreurs médicales ou de suivi défaillant.

Des recommandations et perspectives d’amélioration

Face à ce constat préoccupant, l’ERS a formulé plusieurs recommandations. Elle demande notamment au ACSS (Administration centrale du système de santé – Administração Central do Sistema de Saúde) 3 d’améliorer de manière significative la collecte, le traitement et le suivi des données relatives aux citoyens étrangers. L’objectif : permettre un suivi personnalisé, garantir une égalité d’accès et mieux anticiper les besoins futurs.

Une proposition de recommandation a également été soumise aux Centres Locaux de Santé (Unidades Locais de Saúde). Elle est actuellement ouverte à la consultation publique jusqu’au 6 mai. Elle vise à garantir une inscription correcte dans le Registre National des Usagers (RNU – Registo Nacional de Utentes), condition préalable à l’attribution d’un médecin et à l’accès à des soins de qualité.

Une pression croissante sur le système de santé

Entre 2020 et 2023, la part des utilisateurs étrangers dans le RNU a progressé de manière continue. Au 31 décembre 2023, le ACSS recensait 1 785 490 personnes de nationalité étrangère, soit une augmentation de 19 % par rapport à l’année précédente. Cette dynamique démographique exerce une pression grandissante sur un système déjà sous tension.

Dans ce contexte, l’ERS a annoncé qu’elle poursuivrait sa mission de surveillance de l’accès aux soins pour les étrangers, en tenant compte des réformes législatives prévues pour 2025. Entre 2018 et 2020, dix enquêtes ont déjà été menées sur des cas de difficultés d’accès aux soins par des résidents étrangers, confirmant l’importance de cet enjeu de santé publique.

Des mesures concrètes attendues pour 2025

centres de santé portugal

Alors que des réformes importantes sont envisagées pour 2025, notamment pour renforcer les droits des usagers et l’efficacité administrative du SNS (Serviço Nacional de Saúde), le suivi des indicateurs liés à la population étrangère devient un impératif. La situation actuelle illustre les limites d’un système qui peine à intégrer de nouveaux usagers, pourtant essentiels à la vitalité économique et démographique du pays.

Un enjeu de santé publique et de cohésion sociale

L’accès à un médecin de famille n’est pas un simple détail administratif : c’est un levier majeur pour garantir un suivi médical de qualité, prévenir les pathologies chroniques et réduire les inégalités de santé. L’inclusion des résidents étrangers dans ce dispositif est donc une question de justice sociale, mais aussi d’efficience pour l’ensemble du système de santé portugais.

En améliorant les systèmes d’enregistrement, en harmonisant les procédures, et en développant des outils multilingues, le Portugal pourrait non seulement répondre à ses obligations en matière de droit à la santé, mais aussi tirer parti d’une population active souvent jeune, mobile et motivée à s’intégrer.

Vers une reconnaissance effective du droit à la santé pour tous

En définitive, ce rapport souligne une vérité simple mais essentielle : le droit à la santé ne doit pas dépendre de la nationalité ou du statut administratif. En garantissant un accès équitable aux soins primaires, le Portugal peut répondre à ses engagements constitutionnels et internationaux tout en renforçant la résilience de son système de santé.

Les mois à venir seront cruciaux pour transformer les constats en actions concrètes. L’enjeu dépasse la seule question de l’accueil des migrants : il touche à la capacité d’un pays à offrir un système de santé inclusif, moderne et humain.

IndicateurPopulation étrangèrePopulation générale
Accès à un médecin de famille49,7 %83,5 %
Consultations en PHC (2023)6,5 %93,5 %
Soins infirmiers en PHC7,6 %92,4 %
Nombre de personnes inscrites au RNU (2023)1 785 490non spécifié
Augmentation annuelle des usagers étrangers+19 %non spécifié
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