Et si le prochain moteur de l’intelligence artificielle en Europe était portugais ? En proposant d’accueillir une Gigafactory de l’IA à Sines pour un investissement estimé à 4 milliards d’euros, le Portugal affiche des ambitions technologiques inédites. Bien plus qu’un simple centre de données, ce projet pourrait hisser le pays parmi les leaders européens de la superinformatique et de l’innovation numérique.
Porté par Banco Português de Fomento (Banque portugaise de développement) et un consortium de grandes entreprises et d’institutions de recherche, ce projet vise à créer une plateforme européenne de référence pour l’entraînement et le déploiement de modèles d’intelligence artificielle à très grande échelle. À l’heure où l’Europe cherche à rattraper son retard sur les États-Unis et la Chine, Lisbonne entend bien se placer au centre du jeu.
Une infrastructure stratégique au cœur de Sines
La Gigafactory prévue à Sines ne serait pas un simple centre de calcul. Elle hébergerait plus de 100.000 puces NVIDIA de dernière génération, devenant ainsi l’un des hubs de supercalcul les plus puissants d’Europe. En phase initiale, le site créerait 270 emplois hautement qualifiés, avec des retombées indirectes estimées à plusieurs milliers de postes et une rentabilité projetée à 300 millions d’euros par an à l’horizon 2035.
Ce choix d’implantation n’est pas anodin. Sines bénéficie déjà d’un positionnement géographique stratégique avec ses connexions transatlantiques par câbles sous-marins, sa proximité avec l’océan Atlantique offrant des avantages naturels en termes de refroidissement, ainsi qu’une réserve foncière et énergétique adaptée aux grandes infrastructures numériques.
Le projet viendrait ainsi compléter et renforcer le Start Campus 1 déjà en cours de développement dans la région, positionnant le Portugal comme une destination privilégiée pour les investissements dans le cloud et les infrastructures critiques.
Un écosystème national en pleine ébullition
Derrière cette initiative se trouve une coalition inédite d’acteurs publics et privés. On y retrouve des poids lourds du numérique et de la téléphonie comme Microsoft, Altice, NOS, des entreprises innovantes comme Defined AI ou Ramify, mais aussi des fleurons de la santé et de la recherche comme Bial, Hovione ou l’Instituto Superior Técnico 2. À leurs côtés, des centres d’excellence tels que le CEiiA 3 et le Center for Responsible AI 4 viennent consolider les fondations académiques et éthiques du projet.
Il ne s’agit donc pas d’une promesse théorique, mais bien d’un plan structuré, porté par des experts disposant à la fois de l’expertise, des moyens et du réseau pour bâtir une infrastructure d’envergure mondiale.
Le Portugal mise ainsi sur une dynamique enclenchée depuis plusieurs années. De la médiatisation autour du Web Summit à l’émergence de licornes comme OutSystems ou Talkdesk, le pays a su progressivement bâtir une réputation de terre d’innovation. La Gigafactory viendrait sceller cette montée en puissance et structurer un véritable écosystème national de l’IA.
Un enjeu européen dans la course à la souveraineté technologique
Dans un contexte international marqué par l’accélération des investissements en IA aux États-Unis et en Chine, l’Europe tente de structurer une réponse stratégique. La Commission européenne a ouvert un appel à projets pour soutenir des initiatives d’envergure sur le continent. Plus de vingt dossiers ont été déposés, dont celui du Portugal ; mais aussi un plan concurrent présenté par l’Espagne à hauteur de 5 milliards d’euros.
La compétition est donc rude. Pourtant, le Portugal dispose d’atouts concrets : une situation géographique connectée aux flux transatlantiques, des capacités de refroidissement naturel rares, une stabilité politique reconnue, et surtout une volonté affirmée de l’État d’attirer les investissements numériques.
Le projet s’inscrit pleinement dans l’objectif européen de réduire la dépendance technologique vis-à-vis des acteurs extra-européens en développant des capacités locales de traitement, de stockage et de formation de modèles d’IA. Une stratégie de souveraineté numérique, dans laquelle le Portugal entend jouer un rôle moteur.
Un investissement structurant pour l’économie portugaise
Sur le plan économique, les retombées potentielles du projet sont considérables. Au-delà des 270 premiers emplois directs, la Gigafactory pourrait engendrer un tissu d’activités connexes : sous-traitance technologique, maintenance, services cloud, cybersécurité, formation, recherche appliquée …
À l’horizon 2035, les projections tablent sur plusieurs milliers d’emplois indirects, une rentabilité annuelle de 300 millions d’euros et un positionnement stratégique pour attirer les talents européens dans la tech. Lisbonne, Porto, Braga, Coimbra ou encore Sines pourraient se retrouver au cœur d’un réseau national d’innovation numérique, connecté au reste de l’Europe et au monde.
Mais au-delà des chiffres, il s’agit aussi d’un changement d’image. Longtemps perçu comme une destination touristique ou un havre de paix pour retraités internationaux, le Portugal souhaite désormais faire reconnaître sa capacité à jouer dans la cour des grands de la tech mondiale.
Une ambition qui s’appuie sur un écosystème complet
L’originalité du projet portugais réside aussi dans la nature de sa gouvernance : un partenariat public-privé structuré, mêlant financement national, expertise industrielle et appui académique. Cette approche permet à la fois de mutualiser les risques et de garantir que l’infrastructure sera exploitée dans une logique ouverte, durable et inclusive.
La présence d’acteurs comme Defined.ai (spécialiste de l’entraînement éthique de modèles), Microsoft ou les grandes universités portugaises montre que le projet ne vise pas seulement à empiler des serveurs, mais bien à constituer une plateforme de développement, de recherche et d’expérimentation autour de l’IA.
Avec des secteurs cibles comme la santé, l’énergie, la défense, l’océanographie, la cybersécurité ou la finance, la Gigafactory pourrait devenir un outil de transformation transversal pour l’ensemble de l’économie portugaise.
Un moment décisif pour l’avenir numérique du Portugal
À l’heure où l’intelligence artificielle s’impose comme la technologie-clé du XXIe siècle, le Portugal dispose d’une fenêtre d’opportunité rare pour se positionner à l’avant-garde de la transformation numérique européenne. Ce projet de Gigafactory à Sines pourrait bien être le catalyseur dont le pays avait besoin pour passer de l’expérimentation à la puissance industrielle.
Reste à convaincre la Commission européenne de soutenir le projet, face à des concurrents de taille. Mais qu’il soit retenu ou non, le signal envoyé est fort : le Portugal ne veut plus seulement participer, il veut co-écrire l’avenir de l’innovation en Europe.
A fond vers la tech !
Des plages de Nazaré aux centres de données de Sines, le Portugal est en train de redéfinir son image. Le projet de Gigafactory d’intelligence artificielle représente bien plus qu’un investissement technologique : c’est un acte de foi dans le potentiel du pays, une manière de se projeter dans l’avenir avec ambition, stratégie et audace.
Comme l’affirmait récemment un acteur du projet : « Le Portugal n’est plus simplement sur la carte. Il est en train de devenir la carte. »
- Start Campus : https://www.startcampus.pt/ ↩︎
- Instituto Superior Técnico : https://tecnico.ulisboa.pt/pt/ ↩︎
- CEiiA : https://www.ceiia.com/ ↩︎
- Center for Responsible AI : https://centerforresponsible.ai/ ↩︎