À l’horizon, au-dessus des toits ocre et des murs blanchis à la chaux, une silhouette se dresse dans le ciel de l’Alentejo. Elle est massive, granitique, presque militaire dans sa rigueur : c’est la cathédrale Sé d’Évora, aussi appelée Basílica Sé de Nossa Senhora da Assunção. Édifiée sur les hauteurs de la ville, cette forteresse sacrée du XIIe siècle est bien plus qu’un lieu de culte. C’est un repère, une mémoire de pierre, et la plus grande cathédrale médiévale du Portugal. Elle ne ressemble à aucune autre. Unique par son mélange de styles, elle domine encore aujourd’hui, fière et silencieuse, la ville classée au patrimoine mondial de l’UNESCO.
Une architecture entre deux mondes : du roman au gothique

La construction de la cathédrale a commencé en 1186, alors que le royaume portugais affirmait son indépendance, et fut consacrée 18 ans plus tard, dès 1204. Pourtant, ce n’est qu’en 1250 que les travaux furent achevés. Entre-temps, l’art roman, lourd et massif, laissait place au gothique naissant, plus vertical et lumineux. Ce passage d’un monde à l’autre est inscrit dans chaque pierre de l’édifice. La Sé d’Évora est un livre ouvert sur la transition des styles, un musée d’architecture vivante où cohabitent rondeurs romanes et élans gothiques.
L’extérieur de la cathédrale en impose : deux tours médiévales flanquent la façade, encadrant un portail monumental orné de statues d’apôtres sculptées au XIVe siècle par le maître Pêro. Mais c’est en levant les yeux que l’on découvre l’un des joyaux de l’édifice : le zimbório, une tour-lanterne octogonale du temps de D. Dinis, couverte d’une flèche en écailles de pierre. Elle veille sur la ville comme un phare silencieux.
Trois portails permettent l’accès au sanctuaire : le portail principal, roman et sévère, la Porta do Sol aux arcs gothiques, et la porte nord, reconstruite en période baroque. Ce parcours autour du monument est déjà un voyage dans les siècles.
Un intérieur riche en contrastes
Passé le seuil, la pénombre des trois grandes nefs surprend. L’espace, austère et élevé, est rythmé par d’épais piliers de granit. Dans la nef centrale, trône l’autel de Notre-Dame de l’Ange, tout en dorure baroque, surmonté d’images gothiques de la Vierge et de l’Ange Gabriel sculptées dans le marbre. Les contrastes abondent, comme une métaphore du pays tout entier : ancien et moderne, rural et savant, humble et grandiose.
Un sanctuaire vivant

Le chœur, de style manuelin, date du début du XVIe siècle. Son cadeiral en chêne sculpté est d’une richesse rare : scènes mythologiques, animaux fantastiques, scènes de la vie paysanne y sont minutieusement représentées, dans un style influencé par la gravure flamande. À gauche du portail, le batistère est protégé par de fines grilles en fer forgé renaissance, tandis que les chapelles latérales dévoilent des trésors : Capela do Santíssimo Sacramento, Capela de São Lourenço, ou encore la chapelle des Morgados do Esporão, dont le portail Renaissance ne passe pas inaperçu.
La capela-mor, ajoutée au XVIIIe siècle sous le patronage de D. João V, est un théâtre de marbre provenant d’Estremoz. Sa richesse baroque répond avec subtilité aux lignes gothiques du reste de la structure. Au-dessus de l’autel principal, un crucifix appelé le Pai dos Cristos domine la scène, encadré par des bustes de saint Pierre et de saint Paul, figures d’autorité apostolique.
Le cloître et le musée : deux trésors à ne pas manquer

À l’extérieur du corps principal, le cloître gothique du XIVe siècle mérite une visite lente et contemplative. Chaque angle est orné d’une statue d’évangéliste. On y trouve aussi le tombeau du fondateur de la cathédrale, l’évêque D. Pedro, dans une chapelle funéraire discrète mais solennelle. Plus récemment, les tombes des archevêques d’Évora du XXe siècle y ont été installées, ancrant l’histoire récente dans ce jardin de pierre.
Le musée d’art sacré 1, installé dans l’ancien collège des Moços do Coro, jouxte la cathédrale. Il abrite une collection précieuse : ornements liturgiques, sculptures, pièces d’orfèvrerie, tableaux. Parmi les œuvres majeures, on trouve une Vierge du XIIIe siècle connue sous le nom de Notre-Dame du Paradis, une croix-reliquaire du XIVe siècle, le bâton pastoral du cardinal D. Henrique et une galerie de portraits des archevêques. Un patrimoine discret, mais d’une force symbolique immense.
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Une expérience sensorielle et spirituelle

Grimper sur le toit de la cathédrale est l’un des moments forts de la visite. Depuis le sommet, le regard embrasse tout Évora : ses ruelles étroites, ses places tranquilles, ses maisons basses. Le paysage alentour est typique de l’Alentejo, fait de collines douces, d’oliviers et de silences. À cette altitude, entre ciel et terre, l’histoire semble suspendue.
À quelques pas de la cathédrale, on retrouve d’autres monuments emblématiques : le temple romain (souvent appelé temple de Diane), le musée d’Évora, le centre d’art Eugénio de Almeida 2. Mais c’est la Sé qui reste, invariablement, le cœur de la ville, sa gardienne silencieuse.
Informations pratiques pour votre visite
Horaires | Du lundi au dimanche, de 9h à 12h et de 14h à 16h30 |
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Adresse | Largo do Marquês de Marialva, Évora |
Tarifs | Cathédrale seule : 1,50 € Cathédrale + cloître : 2,50 € Tarif réduit (étudiants, seniors) : 2,00 € pour les deux |
À ne pas manquer | Visite des toits, cloître, musée d’art sacré, chapelle-mère |
Un monument qui parle au passé autant qu’au présent
La cathédrale Sé d’Évora est une œuvre rare, lente, patinée par le temps. Elle impose le silence et invite à la méditation. Elle est un miroir de l’âme portugaise : rude et belle, enracinée et ouverte, solennelle et habitée. Visiter la Sé, c’est remonter le fil d’une histoire presque millénaire, mais c’est aussi, dans le calme de ses pierres, entendre battre le cœur d’une ville et d’un pays tout entier.
- Musée d’art sacré : https://www.cm-evora.pt/locais/catedral-de-evora/ ↩︎
- Centre d’art Eugénio de Almeida : https://www.fea.pt/ ↩︎