Chaque été, les touristes affluent sur les plages dorées de l’Algarve. Ils cherchent la mer, le soleil, les fruits de mer grillés. Et pourtant, à quelques kilomètres de cette côte effervescente, une autre Algarve se dévoile, sauvage et montagneuse. Une Algarve oubliée des cartes postales. C’est là, dans les hauteurs de Monchique, que se cache une aventure inattendue : le Barranco do Demo, littéralement le ravin du Diable.
Son nom claque comme une menace. Il promet l’effort, peut-être la peur, sûrement l’émerveillement. Pourtant, ce sentier nouvellement aménagé, inauguré en 2023, n’a rien d’infranchissable. Il serpente entre les pins, traverse des ponts suspendus et dévale une gorge profonde sur plus de 500 marches. Une œuvre d’ingénierie audacieuse, pensée pour faire redécouvrir les terres intérieures de l’Algarve, loin des clichés maritimes.
Alferce, le village aux portes du ravin

C’est au départ du cimetière d’Alferce que commence l’aventure. Un panneau discret, une pente douce, et déjà la nature reprend ses droits. Ici, pas de foule. Seulement le chant des cigales et le parfum chaud des cistes sous le soleil de septembre. Loin des parasols et des glaces à l’ombre, le sentier descend lentement vers l’inconnu.
Alferce est un hameau niché dans l’arrière-pays de l’Algarve, sur les hauteurs de la Serra de Monchique, dans le sud du Portugal. Cette région montagneuse, encore peu fréquentée des touristes, tranche avec l’image balnéaire habituelle de l’Algarve. Ici, pas de littoral : on évolue dans un monde de forêts méditerranéennes, de chênes-lièges, d’eucalyptus et de vallons encaissés. Le village, qui dépend administrativement de la commune de Monchique, semble suspendu hors du temps, loin des grands axes et des resorts côtiers. C’est ce décor à la fois sauvage et préservé qui prépare le marcheur à l’expérience du Barranco do Demo.
Le sol devient meuble, les arbres plus denses, l’air un peu plus frais. Soudain, elles apparaissent : les marches de bois. Un à un, leurs paliers s’enfoncent dans les gorges, jusqu’à atteindre le lit asséché d’un ruisseau montagnard. L’été, il n’en reste qu’un souvenir minéral ; au printemps, il s’anime et murmure sous le pont suspendu. Ce contraste saisonnier ajoute à la magie du lieu, qui se donne différemment selon le moment de l’année.
L’appel du vide : au-dessus du gouffre
Un pont suspendu, entre ciel et roche

La structure métallique semble flotter. Suspendue entre deux falaises, elle ondule légèrement sous les pas. Loin d’être dangereuse, elle inspire le vertige. Et le silence. Au-dessous, des roches rouges, polies par le temps. Autour, une végétation dense, endémique, que le promeneur effleure du regard mais n’interrompt jamais. Chaque pas devient une conversation avec le vide.
Les plus jeunes rient, les plus âgés ralentissent. Tous prennent des photos. L’instant mérite d’être capturé, car il est rare : celui d’un tourisme repensé, respectueux, mêlant sport doux et immersion géographique. On ne traverse pas le Barranco do Demo ; on y pénètre comme dans une cathédrale.
Une boucle vers l’histoire

Ceux qui poursuivent au-delà du ravin empruntent un sentier qui remonte vers les vestiges du Castelo de Alferce, ancienne fortification islamique perchée au sommet des collines. Le contraste est saisissant : après les gorges, l’horizon s’ouvre. La Serra de Monchique s’étire à perte de vue, avec ses vallons brumeux et ses eucalyptus. Une halte ici, au sommet, permet d’embrasser du regard ce qu’on vient de franchir. Et de mesurer, au-delà du relief, l’inventivité de ceux qui ont rendu ce paysage accessible.
Redécouvrir l’Algarve, une marche après l’autre
Le Barranco do Demo n’est pas une randonnée de haute montagne. Il ne requiert ni équipement complexe, ni entraînement d’athlète. Mais il impose un rythme. Une attention. Une respiration. C’est en cela qu’il se distingue. Et c’est sans doute ce qui fait son succès naissant auprès des voyageurs désireux de ralentir, de ressentir, de comprendre.
À l’arrivée, les mollets chauffent, le t-shirt colle, mais l’esprit est léger. Loin de l’agitation côtière, Alferce offre une pause temporelle. Dans le petit café du village, un plat de Bacalhau à Brás attend les randonneurs affamés. Une récompense simple et savoureuse, après avoir défié les marches du Diable.
Informations pratiques
| Départ | Cimetière d’Alferce |
|---|---|
| Distance totale | 2 km (boucle) |
| Difficulté | Modérée (500+ marches) |
| Durée moyenne | 1 heure |
| Saison idéale | Printemps ou automne (éviter la chaleur estivale) |
Comment aller à Alferce
Pour rejoindre Alferce, il faut quitter les axes rapides du littoral et s’aventurer vers l’intérieur des terres. Depuis Portimão ou Lagos, comptez environ une heure de route, en remontant vers la Serra de Monchique par la N266, une route sinueuse qui s’élève progressivement au-dessus des plaines côtières. À Monchique, la petite ville thermale connue pour ses eaux ferrugineuses, il suffit de suivre une route étroite mais bien entretenue en direction du nord-est. Les derniers kilomètres traversent un paysage accidenté, tapissé de pins et d’eucalyptus, avant d’arriver au cœur du village d’Alferce, posé à flanc de colline.
Il est possible de se garer à l’entrée du village, non loin du cimetière, où démarre le sentier. Attention toutefois : les parkings sont peu nombreux et non aménagés. En haute saison, il est donc préférable d’arriver tôt le matin ou en fin d’après-midi pour éviter la chaleur et les éventuels visiteurs. Aucun transport en commun ne dessert directement Alferce : pour découvrir le Barranco do Demo, il faut donc impérativement être véhiculé. Ce léger effort logistique fait partie de l’expérience et garantit que ceux qui s’y aventurent trouveront un calme rare dans l’Algarve estivale.
Une nouvelle voie pour le tourisme durable
Le succès du Barranco do Demo repose sur une intuition simple : pour aimer un territoire, il faut le fouler. Marcher dans ses plis, écouter ses silences, affronter ses montées. Cette gorge transformée en promenade aérienne incarne une nouvelle forme de tourisme, plus lente, plus attentive. Et l’Algarve, si longtemps réduite à son littoral, y gagne un second souffle. Celui des sentiers, des marches, des paysages qu’on ne regarde pas, mais qu’on habite le temps d’une randonnée.







