Dans l’ombre du FC Porto, Boavista a longtemps été l’autre poumon du football dans la capitale du Nord. Le deuxième club professionnel de la ville, enraciné dans le quartier du Bessa, portait haut les couleurs damier noir et blanc. Moins glamour, plus rugueux, mais redouté. Champion en 2001, européen régulier, le Boavista FC symbolisait ce football portugais à contre-courant, imprévisible, parfois désagréable, toujours vivant. Aujourd’hui, c’est par une décision administrative brutale qu’il est rayé des compétitions professionnelles. Une disparition presque silencieuse pour un club qui faisait tant de bruit.
Mais derrière la chute, un nom revient avec insistance : celui de Gérard López. Le Luxembourgeois, déjà à l’origine du naufrage des Girondins de Bordeaux ou de la faillite de Mouscron, laisse derrière lui un énième champ de ruines. À Boavista, son passage n’aura été qu’un mirage, une promesse de stabilité qui s’est évaporée à la première échéance. Quand les comptes se vident et que les dossiers administratifs s’empilent, même le romantisme des damiers ne suffit plus à masquer la débâcle.
Chronique d’un naufrage annoncé

Il fut un temps où Boavista était la mauvaise surprise des grands. Un club à damier noir et blanc qui cognait dans les chevilles et dans les classements. L’outsider parfait, champion du Portugal en 2001, capable de tenir tête au Sporting, de secouer le FC Porto, et de défier Benfica sans trembler. Ce temps est révolu. Début juillet 2025, la Ligue portugaise a prononcé l’exclusion du Boavista FC des compétitions professionnelles. Une exécution administrative presque banale, à ceci près qu’elle concerne un club historique, vainqueur de championnat, européen régulier, et pièce centrale du football lusitanien de la fin du XXe siècle.
À l’origine de ce chaos : des papiers. Des certificats, précisément, jamais envoyés. Celui qui atteste l’absence de dettes envers les joueurs, les entraîneurs et les employés. Celui qui garantit que Boavista est à jour de ses obligations fiscales et sociales. Celui enfin qui confirme que les autres clubs n’ont rien à lui réclamer. Une trinité que Boavista n’a pas su satisfaire, faute d’argent ou faute d’ordre. Et dans un monde où le flocage de maillot est plus rigoureux que les dogmes, pas de pardon sans dossier complet. Il est toutefois nécessaire de mettre en avant un facteur qui semble déterminant dans cette faillite : Gérard López !
Gérard López, la trajectoire du fossoyeur financier
La débâcle administrative de Boavista s’inscrit dans un parcours plus qu’hasardeux pour Gérard López. Après avoir accumulé les revers à Lille avec le LOSC, où il aurait laissé plus de 120 M€ de dettes, le businessman luxembourgeois a racheté avant de couler un des plus grands club du championnat français : les Girondins de Bordeaux . À Bordeaux, ce rachat en 2021 coïncide avec une chute dramatique : relégation administrative en National 2 en 2024, déficit massif et dépôt de bilan évoqué à cette heure. Mais ce n’est pas tout : en Belgique, le Royal Excel Mouscron déclaré en faillite en 2022 est également estampillé de l’empreinte López. Aujourd’hui, Boavista s’ajoute à cette liste noire, triplant le bilan : non-remise en ordre fiscal, dettes sociales, obligations sportives non honorées. Une nouvelle fois, l’absence d’investissements, l’amateurisme administratif et les promesses creuses signent la chute d’un club emblématique.
Un club au bord du vide

Depuis plusieurs mois, le Boavista FC jouait avec le feu. 2,5 millions d’euros à réunir pour simplement s’inscrire en Liga 2. Une somme introuvable, malgré les promesses, malgré les appels à l’aide, malgré les mirages de repreneurs providentiels. Résultat : plus de place en deuxième division, et une potentielle relégation en Liga 3, si, d’ici mercredi, le club parvient à remplir les cases du nouveau dossier. Sinon ? Les amateurs, ou la disparition pure et simple. Une bascule tragique pour un club qui avait réussi à s’extirper des bas-fonds dans les années 2010 après des affaires de corruption et des descentes sportives.
Le foot portugais perd un monument
On pourra accuser la Ligue d’inflexibilité. On pourra aussi parler de fatalité. Mais il y a, dans cette relégation administrative, quelque chose de plus cruel encore : l’effacement d’un pan de l’identité du football portugais. Boavista, c’est le Bessa, son stade coincé dans les ruelles de Porto. C’est Jaime Pacheco, ses coups de sang et son jeu musclé. C’est Petit, Costinha, ou Ricardo, partis chercher la gloire à l’Euro 2004. C’est le football à l’ancienne, pas très joli, mais foutrement efficace. À force de regarder vers l’avenir, le Portugal du foot a oublié qu’il avait aussi un passé.
Et ce passé est aujourd’hui réduit à une case vide sur une feuille Excel. Pendant que la Liga Portugal coche Oliveirense à la place de Boavista, personne ne pleure vraiment. C’est peut-être ça le plus triste.
Boavista paye au prix fort des années de gestion à vue, de dettes accumulées
Un retour possible ?
Théoriquement, rien n’est encore figé. Le club a quelques jours pour s’inscrire en Liga 3, remplir les critères de base, et reconstruire sur de nouvelles fondations. Mais l’espoir est mince. Le public s’érode, les sponsors se terrent, les joueurs fuient. Boavista paye au prix fort des années de gestion à vue, de dettes accumulées, et d’une déconnexion progressive avec le monde pro. Dans le quartier du Bessa, on parle encore de « restructuration », mais le mot commence à sonner comme une élégie.
Et maintenant ?
La place laissée vacante profite à Oliveirense, club modeste et discipliné. Ironie de l’histoire : ce sont ceux qui ferment leur bouche et remplissent les cases qui avancent. Le football portugais change, les grandes gueules sans trésorerie n’y ont plus leur place. Le Boavista FC, lui, quitte la scène sans tambour, ni trompette. Juste un communiqué sec. Un e-mail, sans objet : refusé.
Boavista, ou l’histoire d’un déclin moderne
Il y avait quelque chose de romantique dans ce club mal-aimé qui faisait tomber les têtes. Il y a maintenant quelque chose de tristement banal dans sa chute. Le foot moderne ne tolère plus les maladroits, les endettés, les bricoleurs. Boavista était tout ça à la fois, et c’est à cause de cela qu’il s’éteint. Comme un vieil appareil sans prise.